TOPONYMIE ET ETYMOLOGIE, à l'origine du nom de Cournon

25 novembre 2019

Si il y a bien un sujet de controverse, c'est l'origine des noms de lieu. Avant le Xe siècle il est difficile, voire impossible, de donner une explication indiscutable sur ce qui a pu donner un sens à l'appellation de certains lieux : absence d'archive, modifications géographiques, urbanisations, manque de repères de comparaison, etc ... Il est de nombreux exemples où les hypothèses s'enchainent et se suivent, semblent parfois convaincantes, mais une hypothèse reste une hypothèse, une possibilité. C'est ce dont nous traiterons dans la suite.

Non loin de Cournon, l'exemple le plus connu est celui de Montpellier : le mont (ou la colline, c'est plus juste) du verrou, des pucelles, du pastel, des épices, etc, etc, etc ... Il y a une grande joute entre spécialistes, ou non, qui dure depuis des décennies et des décennies. Chacun avec ses arguments qui sont pour la plupart recevables, mais rien de réellement concret, aucune preuve matérielle pour affirmer une réelle origine au nom.

L'origine des noms des lieux revêt à la base une simple fonction pratique, symbolique, historique ... : une rivière, une montagne, une vallée, un lieu de culte, un champ de bataille ... de même, il en est pour les noms des rues (des noms originaux, pas ceux d'aujourd'hui !) comme la rue de l'église (pour la rue qui mène à l'église, c'est aussi simple que ça !) ou le chemin de Fabrègues (qui dit bien où il mène et qui ne va pas à Pétaouchnok !), Copa Gamba (pas besoin de traduire), Calade ... et ainsi de suite. Pour les villages et autres lieux du coin, certains ont un toponyme expliqué en premier par la racine, ou préfixe, du nom (ça on va y venir un peu plus loin) et par le suffixe (-AN, -AC, -ARGUES ...). Il est vrai que comme cela, on peut parfois bien distinguer des origines latines, celtiques, grecques, germaniques ... ou du moins une occupation qui a "possiblement" eu lieu dans ces périodes.

Certains noms peuvent échapper à ces critères, ou du moins ont une origine plus ancienne. C'est le cas des termes Pré-celtiques qui se fondent dans les appellations qui succèdent. Ça complique énormément les choses et c'est ce qui nous intéressera par la suite.

Bon voila pour l'introduction, on ne va pas s'étendre plus longtemps sur le sujet et on va venir à ce qui nous intéresse : COURNON

C'est par ici, suivez le guide ...

Et pourquoi "COURNON" et pas "COURNONTERRAL" d'abord ?

En effet, le lieu ne s'est pas toujours appelé comme cela. A l'origine l'on parle de "Cournon" tout court ! Ou "Cornone" ou "Cornon" pour être plus juste, ou encore "Corno", voire "Corn" et même "Cor". Quand on parlait de préfixe un peu plus haut, ça donne une bonne base ! Le suffixe "Terral" n'a été rajouté qu'au XIIe siècle.

Il manque un truc : "CVRNON"

Non, l'orthographe de "Cvrnon" n'a été inventée qu'à la toute fin du XIXe siècle afin d'être ajouté aux ornementations du blason ; ornementations qui ne sont pas plus anciennes. Cornon ou Corno se prononcent COURNOU. Et d'ailleurs, dans l'actuelle prononciation occitane cela se prononce toujours COURNOU ! Peut-être que cela a induit l'erreur. Le "V" n'a jamais existé dans aucune archive, il s'agit là d'une véritable et grossière anomalie, une belle faute d'orthographe. mais bon le mal est fait ! On va reprendre le préfixe et cela pourra peut-être aider à mieux comprendre.

Il manque un autre truc ...

Oui Cournonsec (grrrr !) ... Reprenons au début : entre l'an 980 et l'an 1063, l'on ne sait pas trop si il y a un ou deux Cournon et durant cette période, d'ailleurs, le "centre du monde" c'est Grémian (PAF, il est là le boss !). Ce territoire s'étend à l'ouest de l'actuel Montbazin et à l'est de l'actuel Cournonterral. En l'an 1063, le suffixe "SEC" (secci, sech) est ajouté pour faire le distinguo entre 2 Cournons. Dorénavant il y a Cournonsec et Cournon (tout court) qui deviendra, un siècle et demi plus tard, Cournonterral. Le castellum de Cornon est cité dès l'an 980.

2 agglomérations limitrophes qui portent le même nom, ou presque, ce n'est pas courant mais pas inédit non plus (Montpellier/Montpellieret) ... un seul Cournon, 2, lequel en premier, lequel tire son nom d'une particularité, lequel tire son nom d'un seigneur qui l'a occupé ... ? Le débat est ouvert depuis longtemps mais rappelons que les plus anciens vestiges médiévaux se trouvent à Cournonterral. Et familièrement Cournonterral est appelé Cournon (et ce depuis la nuit des temps), ce qui n'est pas le cas de Cournonsec. Le débat porte sur le moyen-âge mais les 2 lieux ne sont-ils pas plus anciens que cela ?

Et c'est pas tout, non ?

En effet il y a encore d'autres Cournon, que ce soit en France et dans le reste du monde, ou d'autres lieux dont la racine toponymique est la même. A titre d'exemple quelques définition prises sur Wikipédia (donc, ça vaut ce que ça vaut) :

-Corn (46100) près de Figeac dans le Lot, sa toponymie est décrite par la racine pré-celtique "Korn" qui signifie escarpement ou hauteur défensive.

-Cornas (07130) en Ardèche, son toponymie serait de la racine celte "Cor" (escarpement, hauteur) et du suffixe "-ate". A noter que sur le site de la commune, le nom proviendrait du celte "Terres brûlées".

-la Cornouaille en Bretagne (Kernev ou Bro-Gernev), toponymie possible du latin "cornugallia", coin de la Gaule.

-les Cornouailles britanniques (Cornwall et en cornique : Kernow), nom originaire de la tribu celte des "Cornovii".

-Cornus (12540) en Aveyron, sa toponymie proviendrait du Cornouiller mâle (Cornus mas).

-Cournon (56200) dans le Morbihan, le monastère "Kornon" lui a donné son nom.

-Cournon-d'Auvergne (63800) dans le Puy-de-Dôme, sa toponymie viendrait de "Chrononense" (VIe siècle) d'origine gauloise, "krosno-" d'excavation et suffixe de lieu "-one".

Et il y en a encore des dizaines et des dizaines comme cela (à proximité : Courniou (Cornhon), Corneilhan (de Cornélius) ... ). Il y a énormément de noms propres commençants pas "Corn" et ce sans compter les autres formes de la racine telle que "Horn" par exemple. Mais il n'y a pas que des communes ou régions qui utilisent cette racine. On ne va pas tout éplucher, il y aurait de quoi en faire 15 livres ! On va se contenter de voir d'où est originaire cette fameuse racine, une partie de ses définitions et ce à quoi elle aurait pu être attribuée au nom du village, ou non !

On y arrive !

Pour simplifier en proto-celte Korno signifie corne. Cool, emballé c'est pesé, c'est fi..... Doucement Bernadette, on est qu'au début des hostilités. En effet si ce mot très ancien vient de la corne, ou de ce qui peut rappeler sa forme (cornu), il a été décliné au possible : coin, lisière, angle, périphérie, sommet, extrémité, escarpement, hauteur, couloir, resserrement ... oui ça fait du monde et y'a pas tout là ! Mais tout cela ne fait pas avancer le schmilblick et à vrai dire, il est aujourd'hui impossible d'affirmer quoi que ce soit à partir de cette simple racine alors reprenons toutes les hypothèses qui ont été avancées pour expliquer "Cournon".

Les hypothèses

1 - Hannibal : d'après une ancienne légende, le général carthaginois sur le chemin de Rome aurait fait halte près de la fontaine du Théron sur les conseils de l'un de ses éclaireurs et se serait écrié "CVR NON", c'est à dire "pourquoi pas". Mais bon ce n'est qu'une légende, on ne sait pas si Hannibal maîtrisait le latin ni si il est passé ici ... Puis un village qui s'appelle Pourquoi Pas, ça la fout mal quand même. Donc, selon les termes de la légende : HYPOTHESE A ECARTER ! Par contre, sur le simple fait qu'Hannibal aurait fait étape sur le lieu (ou une partie de son armée) : POSSIBLE MAIS NE PRESENTE AUCUNE CERTITUDE !

2 - Les ailes militaires : dans les formations romaines, les troupes positionnées sur les cotés sont nommées les "Cornone", c'est à dire les ailes. De plus ces troupes pouvaient être équipés de javelots (Cornu) pour repousser les attaques latérales des cavaliers ennemis. N'ayant dans les environnements immédiat aucune trace d'un conflit ou d'un campement mettant en scène les soldats romains, l'hypothèse est POSSIBLE MAIS NE PRESENTE AUCUNE CERTITUDE !

3 - Le général celte : d'après Petar Skok (linguiste croate, (1881/1956)), le nom de Cournon pourrait venir d'un général celte "Cornos". Attention le nom n'est pas le nom propre d'une personne mais le nom commun qui signifie celui qui dirige les ailes d'une armée (voir juste au dessus). POSSIBLE MAIS NE PRESENTE AUCUNE CERTITUDE !

4 - Les instruments à vent : il existe 2 instruments distincts. Le 1er est la "Cornu romaine" qui est un cor recourbé terminé par un pavillon ; la Cornu entourait le corps du musicien. Le second instrument est le Cornone (ou Cor, Cornet) qui doit son nom au simple fait qu'il est fabriqué dans une corne d'animal. Ne connaissant aucun Paganini ou Mozart de l'antiquité : HYPOTHESE A ECARTER !

5 - Le cornouiller (Cornus mas) : même si la plante (et ses sous-espèces) est bien présente dans la région, elle ne représente qu'un % très infime de la flore locale et ne représente pas de valeur symbolique particulière dans le coin. HYPOTHESE A ECARTER !

6 - La corneille (Cornix) : comme pour le cornouiller, la corneille ne représente qu'un petit % de la faune locale. HYPOTHESE A ECARTER !

7 - Le Cornone géologique : le Cornone est une montagne dont le sommet rappelle la forme de corne et qui culmine à plusieurs milliers de mètres. Vu que dans la plaine où l'on habite un pareil sommet ne serait pas passé inaperçu : HYPOTHESE A ECARTER !

8 - Le culte religieux : Cernunnos (prononcé Kern-, le Dieu cornu) est une figure majeure du panthéon celtique. Il n'existe que de très rares connaissances sur les cultes celtiques et Cernunnos n'est connu que par quatre documents dont une dédicace (Karnonos) découverte non loin d'ici à Montagnac. POSSIBLE MAIS NE PRESENTE AUCUNE CERTITUDE !

Cernunnos

Pour en savoir plus sur Cernunnos

Lien vers wikipedia

9 - La famille Cornon : cette famille tire son nom du lieu d'où elle est issue et non le contraire. Les Cornon ont été seigneurs du village, et d'autres localités, du Xe au XVe siècle. Les autres familles s'appelant Cornon (Escot de Cornon, Cornon de Gorrevod ...) n'ont pris ce nom qu'à partir du XIVe siècle et n'ont aucun lien de parenté avec les Cornon d'ici. HYPOTHESE A ECARTER !

10 - Le Corn celtique (hypothèse personnelle) : le surplomb ROCHEUX. Il est vrai qu'aujourd'hui il n'est pas simple de se représenter les choses mais revenons au 1er millénaire de notre ère. Cournon est placé sur un chemin salinié (probablement ancien de plus de 20000 ans). Le chemin du Pont n'existe pas (le chemin est une rampe artificielle) de même que la rampe (artificielle elle aussi) menant du Coulazou au Théron ; l'actuel boulevard du Théron n'existe pas non plus (créé au XVIIe siècle). Si nous arrivons du nord par le chemin salinié, l'on se retrouve face à un mur naturel de pierre qui représente un véritable obstacle infranchissable qui surplombe le Coulazou (voir photo). Un excellent emplacement stratégique vers la rive droite du Coulazou et des salins côtiers. POSSIBLE MAIS NE PRESENTE AUCUNE CERTITUDE !

En rouge, la hauteur approximative du surplomb naturel rocheux