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Oc e No - Opus Cornoneterralis Et NOvellae

1 mai 2023

COURNON AFFRANCHI


Partie 1 : LA SITUATION GEOGRAPHIQUE


Comme on a vu, par le passé, une agglomération appelée Cazaligiis se trouvait sur la rive gauche du Coulazou. Cette population n'a traversé le torrent (Colassius amnis, Ora Maritima d'Avienus, IVe siècle) que dans le courant du XIIe siècle pour s'installer définitivement sur la rive droite à l'emplacement que l'on connait. Alors pourquoi Cournonterral, aujourd'hui, se trouve là ?


PETIT RETOUR EN ARRIERE


1024px-Steuben_-_Bataille_de_PoitiersCharles Martel à la bataille de Poitiers, en octobre 732, Charles de Steuben (1837)

En l'an 737, Charles Martel ravage Maguelone afin d'y vaincre les maures. Ces derniers chassés des lieux, tous les problêmes ne sont pas pour autant réglés. Il faut dire qu'ici on n'est pas en royaume Franc mais en Gothie (appelé plus tardivement Septimanie) et en Gothie, ce sont les Wisigoths les patrons !

Charles_Martel_divise_le_royaume_entre_Pépin_et_CarlomanCharles Martel divise le royaume entre ses filsPépin et Carloman, Grandes Chroniques de France, XIVe siècle

En l'an 741 à la mort de Charles Martel, ses fils Carloman et Pépin le Bref (Bref pour sa taille) se partagent la charge de maire du palais. Pépin hérite de la Neustrie, de la Bourgogne et de la Provence. N'étant pas qu'un simple gros bourrin mais cherchant tout de même à étendre son pouvoir et son territoire, Pépin tente de mettre la main sur la Gothie. Les guerres sont d'une efficacité courte dans le temps alors comment assoir durablement son influence ? Par la politique !

Avant l'an 750, Pépin installe l'une de ses connaissance à la tête du comté de Maguelone. Il nomme Aigulf à cette charge. Ce dernier, comme son nom l'indique, fait partie de la noblesse Wisigothe. Son fils Amic lui succédera à la tête du comté (avant 788). Son autre fils, Witiza, aura un rôle différent à jouer. (d'autres sources citent Ansemond, comte wisigoth de Nîmes comme père également probable de Witiza)

les-deux-saints-benoitSaint Benoit de Nursie tenant le livre de la Règle et saint Benoît d’Aniane tenant le modèle du monastère d'Aniane (Bas-relief du XVIIe siècle, église de Saint-Guilhem-le-Désert)

Witiza est né en l'an 750 en Gothie. Son éducation il la fera à la cour de Pépin le Bref. Homme de confiance de ce dernier, Witiza devient l'échanson de la reine Bertrade de Laon (Berthe au grand pied). A la mort de Pépin, Witiza reste à la cour de Charlemagne. Comme toute la noblesse, Witiza est un guerrier et participe à de nombreuses batailles. Vers 25 ans, alors qu'il était voué à une glorieuse carrière militaire, il se retire de l'armée et entre dans les ordres à Saint-Seine (près de Dijon). Il y prend le nom de Benoît. Ascète rigoureux, sa communauté le choisi comme prieur en 780 mais Benoît refuse et part s'établir dans la région de son enfance près de Maguelone.

Après une courte période d'ermite, Benoît s'établi sur les bords de l'hérault à Aniane et y fonde une abbaye en l'an 782. Le rayonnement de l'abbaye touchera tout le royaume et Benoît accomplira encore beaucoup d'autres choses dans les plus hautes sphères du pouvoir. On a bien compris que le spirituel est aussi politique. (lire : Vita Benedicti abbatis Anianensis et Indensis, Cartulaire d'Aniane)

Abbaye_Saint-Sauveur_d'Aniane_dans_Monasticon_GallicanumXVIIe siècle, l'abbaye Saint-Sauveur d'Aniane, Monasticon Gallicanum

A noté que vers 804, un compagnon de Benoît/Witiza, Guillaume suit le même chemin que lui. Militaire accompli il se retire et fonde sur l'autre rive de l'Hérault, dans la vallée de Gellone (aujourd'hui appelé Saint-Guilhem-le-Désert) une autre abbaye.


MAGUELONE, ANIANE ...


... Ok, c'est pas encore Cournonterral mais on s'en rapproche !

Sur le tout le long de la côte du Golfe il y a des étangs et des salins. La pêche et surtout la production du sel s'y pratiquent de manière intensive depuis des temps très reculés. Aviénus dès le IVe siècle (voir plus haut) cite : les barbares en font grande production et grand commerce (en parlant des salins du coin).

Le sel transite vers l'intérieur des terres par des routes dites pénétrantes (ou chemins saliniès). L'un de ses chemins, reliant Maguelone à Aniane, via Saint-Paul (et Valmalle) est celui qui nous intéresse. Effectivement c'est celui qui passe par Cournonterral !

Alors pourquoi l'emplacement du village est bien plus stratégique que ce que l'on pense ?

Les étangs et les salins, de Pérols à Frontignan, appartiennent tous à une seule et même famille : les futurs CORNON ! Ce sont eux qui exploitent les étangs, bosquets (Aresquiers) et salins (Salzeirets) et qui en tirent tous les bénéfices ... et pas seulement pour le commerce.

Géographiquement, comme vu dans les articles précédents, Cournonterral est situé sur un surplomb au dessus du Coulazou sur la rive droite, d'où son nom de Cornon. On ne connaît pas exactement ce qu'il y avait avant la construction de la Passadella en pierre mais l'on sait que la tour était précédée d'un castellum (attesté d'avant l'an 980), probablement un ensemble fortifié de bois. Le castellum de Cornon filtrait toutes les allées et venues du nord vers le sud. A noter que les Cornon possédaient également Vic (dont le port). Le sel est une denrée très précieuse et comme toutes choses précieuses, on y fait attention ! Donc le sel était produit sur tous les alentours de Maguelone et transitait par Cornon vers Aniane (via Saint-Paul) d'où il était redistribué vers d'autres directions.

Politiquement, les seigneurs de Cornon entretiennent une certaine pression sur les évêques par l'exploitation et par le libre droit de passage. Ce n'est qu'au début du XIIe siècle que les seigneurs de Cornon commencent à cêder quelques droits de pèche sur les étangs à l'évêché de Maguelone. Les évêques successifs mettront plus de 3 siècles à tout grapiller, les seigneurs de Cornon s'étant doucement désintéressés du lieu au profit d'autres co-seigneuries.

C'est au courant de ce même XIIe siècle que la communauté des gens de Cazaligiis ont traversé le Coulazou afin de s'établir derrière les nouvelles murailles du castrum de Cornon. L'influence de l'évêque de Maguelone étant au summum de sa puissance aux depends des co-seigneurs temporels, les gens y gagnent en libertés.

Mais ça, c'est à suivre !

Avant d'attaquer la suite : Palestrina, Giovanni Pierluigi da Palestrina Cantantibus Organis (1575)

(Et pour ceux qui se demandent : pourquoi une musique de messe ? C'est la partition peinte sur le tableau de Sainte Cécile)


Partie 2 : HO LIBERTAT !


Comme vu dernièrement, Les Carolingiens instaurent la politique féodale dés le VIIIe siècle dans la région. Le systême féodal est basé sur 3 ordres répartis comme suit : Les Oratores (le clergé), les Bellatores (gens de guerre, noblesse) et les Laboratores (ceux qui travaillent, le Tiers-Etat). Ces derniers représentent "officiellement" environ 80% (et probablement plus !) de la population totale. Vu comme ça, on distingue 3 ordres bien distincts mais, comme toujours, rien n'est jamais aussi limpide qu'il n'y paraît.

Pour commencer, ces 3 ordres ne sont pas les seuls à être appliqués dans la société médiévale. D'ailleurs, les gens de Cazaligiis ne sont pas soumis à la féodalité et des Cazaligiis il n'y en a pas que sur le territoire de Cornon. On peut par exemple citer Montbazin qui possède également un Cazaligiis situé également au nord du castrum et encore d'autres affiliés à toutes les communes du coin et même Montpellier. (Pour rappel, Cazaligiis est un ensemble de masures, une agglomération avec ses propres rues et son propre systême politique)

Les 4 endroits de Cornon où l'on trouve des concentrations d'habitants sont :

- Cornon qui est l'actuel emplacement de Cournonterral et est constitué d'un castrum et de l'église de Saint-Pierre.

- Sainte-Cécile-de-Trois-Loups, église située entre Cornon et Pignan (à l'emplacement du réservoir).

- Saint-Julien de Scafiac (ou d'Escaffiac ou encore de Cazaligiis), église située entre Cornon et Gigean (La Croix de Fer).

- Cazaligiis (aujourd'hui Cazalis) qui possède la plus grosse concentration de population.

IMG_6727Cazaligiis ... oui il y a plus grand chose à y voir aujourd'hui !

La seigneurie de Cornon est répartie en parts indivises entre la noblesse locale (le temporel) et l'évêque de Maguelone (le spirituel). Cornon ne fait pas partie du royaume et les co-seigneurs du lieu ne rendent compte que très ponctuellement aux comtes (Toulouse, Maguelone/Melgueil). L'évêque, lui, est soutenu par sa hiérarchie jusqu'au Pape. Pour les 80% restants, il va falloir qu'ils trouvent une astuce ...

Jusqu'au XIIe siècle, Cornon, pour la noblesse n'est tenu que par une seule et même famille (les Cornon pour ceux qui n'ont pas suivit). Mais les choses changent radicalement au courant de ce siècle et la seigneurie est dorénavant partagée avec 2 autres familles : les Montlaur et les Montagnac. Ce ne sont pas des familles inconnues, elles sont dans l'entourage des Cornon depuis au moins le milieu du XIe siècle. La répartition est comme suit : 1/2 pour les Cornon, 1/4 pour montlaur et 1/4 pour Montagnac. Les finances des Cornon ne sont pas au beau fixe et ces derniers ne sont plus aussi autonomes que par le passé (endettés par les croisades ? L'évêché de Maguelone fait entrer dans ses caisses des sommes astronomiques et des territoires énormes ainsi que les droits qui vont avec). Les gens de Cazaligiis se déplacent vers le castrum et de ce fait entrent dans le système féodal. De nouvelles tours (cette fois en dur, en pierre), de nouvelles portes et un nouveau rempart sont construits (les lieux sont adaptés à la nouvelle situation démographique). Il en va de même pour tous les lieux voisins à la même époque.

IMG_3673Chemin Saliniè par lequel communiquaient Cazaligiis et Cornon

Qu'est-ce qui a pu pousser les gens de(s) Cazaligiis à se déplacer et adopter une nouvelle politique dans ce laps de temps ? On n'en sait rien. Craignaient-ils des attaques, subissaient-ils des pressions des nobles ou de l'église, promesses alléchantes , disette ... ?

On a parlé plus haut des 3 classes constituantes de la féodalité mais comme déjà dit, rien n'est jamais vraiment "lisse". Les 3 classes sont des contres pouvoirs chacune des autres. Les gens d'église (prieur, évêque, etc ...) sont tous issus de la noblesse mais noblesse et clergé n'ont pas tous les intéréts en commun. Les laboratores sont constitués de paysans mais aussi d'une petite noblesse sans terre et sans justice et surtout d'un "ordre" émergeant : les bourgeois ... Il y a aussi quelques esclaves. Ce sont des gens sans le sou, des esclaves volontaires (endettés) et les autres viennent généralement d'Europe de l'est.

Ce sont les bourgeois qui nous intéressent. Dans les archives, ceux-ci apparaissent dés le tout début du XIIe siècle (voir articles précédents). Certains sont alleutiers, commerçants, producteurs, agriculteurs, etc ... pour résumer : des gens qui ont acquit une certaine indépendance financière. D'où sortent-ils ? Probablement d'une petite noblesse, de branches cadettes sans héritage (Trois-Loups ?) mais pas que ! Des familles venant des laboratores y sont aussi représentées comme par exemple les Cristine (cagots ?). Ce que l'on sait d'eux c'est qu'ils étaient éduqués, cultivés, occupaient des postes à responsabilité* et il en va de même pour une très grosse partie de la population. Faut pas réver, les bourgeois défendent en premier lieux leurs propres intéréts et tous les moyens sont bons pour y arriver.

*Par exemple certains représentants des Trois-Loups étaient prudhoms à Montpellier, c'est à dire qu'il commerçaient les épices mais également rendaient les jugements sur les compromis dus à ce commerce. Les Cristine travaillaient et commerçaient le cuir. Ils se déplaçaient régulièrement de Barcelone à Paris pour le commerce et pour le consulat (voir plus bas) étaient reçu à la cour royale ; les lettres au Roi ont été conservées, c'est clair que ça n'a pas été écrit ou dicté par des amateurs.

Leur premier coup d'éclat date de l'an 1238. Les laboratores sont représentés par des syndics. Ces derniers arrivent à faire plier Vassadella (seigneuresse de Cornon, un prochain article lui sera entièrement consacré) et à lui faire faire marche arrière au sujet de plusieurs impôts. Au fil du temps les habitants de Cournonterral cherche à s'affranchir du pouvoir seigneurial et pour cela il n'y a qu'une solution : un consulat. Mais avant d'en arriver là, va falloir batailler et des batailles plèbe/seigneur il va y en avoir un paquet durant le siècle suivant ! (mais bon, je vais pas te macher le boulot mon ami, lis "le consulat de Cournonterral" d'Alexandre Germain, il y a énormement de choses à y apprendre)

Le consulat n'est pas une chose, à proprement parlé, nouvelle. Dans d'autres co-seigneuries possédées par les Cournon, il a lieu depuis longtemps (par exemple pour Conas près de Pézenas) mais Cornon, ne faisant pas partie du royaume, les seigneurs ne sont pas assujétis au Roi. De plus, certaines familles dont les Trois-Loups et Cristine ont déjà eu dans leurs rangs des consuls à Montpellier. Ils connaissent bien l'exercice. Un consulat à Cornon serait un coup dur pour les co-seigneurs et une aubaine pour les autres habitants. En effet, le consulat induit que les laboratores n'aient de comptes à rendre qu'au Roi. Il faut dire que les seigneurs ne sont pas vraiment présents : Vassadella habite Montbazin, Othon qui l'a précédé habitait Antonègres et pour le reste des autres seigneurs, ils sont souvent partis en guerre et ne sont présent que ponctuellement au village. Ils ont quand même des représentants qui sont là en permanence : le bayle mais aussi des habitants issus de la noblesse et des laboratores dévoués. Le peu de présence seigneuriale aide les choses mais ne rend rien facile pour autant. Pour le clergé, il fait plus figure de tradition que de religion, on est pas encore à l'époque de la peste et encore loin de l'inquisition.

Battle_of_crecy_froissart-Bataille de Crécy, Chroniques de Jehan Froissard, XVe siècle

Au milieu du XIVe siècle, le Roi est en guerre contre les anglais et mener un guerre, c'est pas gratos, surtout celle-là. Donc il a besoin d'argent. Les gens de Cornon étant demandeurs pour un consulat, ça tombe bien ! Le Roi y voit là de quoi renflouer les caisses et de quoi agrandir son territoire. Après de très nombreuses péripéties (voir A. Germain juste plus haut) le consulat est prononcé en 1344. Mais les péripéties ne s'arrètent pas pour autant ! Pour commencer, Cornon tombe dans le giron du royaume sous le rêgne de Philippe VI de Valois.

3 consuls seront nommés une fois l'an pour la Saint-Jean Baptiste (le 24 juin) avec leurs conseillers, procureurs etc ...

Entre autre, une arche leur est octroyée. Une arche n'est pas un artefact d'Indiana Jones mais un coffre où sont rangés les actes. L'arche se trouve dans la Maison Commune (une maison privée). Ce qu'il faut surtout retenir de cette arche, c'est que c'est grâce à elle que les documents nous ont été préservés jusqu'à aujourd'hui (je parle pas de ceux qui ce sont "évanouis dans la nature"). On ne connaît que 2 Maisons Communes : la première et la dernière. La première, au XIVe siècle, est celle des Trois-Loups située entre le presbytére actuel et la Grand-Rue, l'emplacement exact est inconnu. La dernière est la maison Gazagne située sur le Plan de la Bibliothèque (au niveau de la ludothèque). Gazagne est le dernier consul de Cornon puis le premier maire du village à la Révolution ; de même sa maison la dernière Maison Commune et le premier Hôtel de Ville.

La liberté est relative et le consulat, bin, c'est pas gratuit. Surtout la protection royale. L'administration évolue et se complique. Les Cornon n'ont pas su évoluer avec leur époque, ils en ont payé le prix fort. Les Cournonterralais y ont-ils tout gagné ? Certainement pas ! Mais ça ce sera un autre débat.

Pour finir : La Libertat

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21 février 2021

BILLET D'HUMEUR D'OCENO SUR LES PAILHASSES 2021

PAILHASSAS 2021, AQUEL BADALH !


Comme vu dans l'article "le Paillassou", les festivités carnavalesques de l'année 2021 ont mal débuté. Interdits, autorisés, espoir, résignation ... Cette année les Cournonterralais sont passés par tous les états d’âme. Pour cet article, il n'y aura aucune image, il fallait y être !


L'histoire commence à l'épiphanie. C'est à dire, pour cette année, le dimanche 3 janvier 2021, jour traditionnel de la pendaison des mannequins et point de départ du carnaval. La veille, la pendaison est annoncée puis annulée par les autorités. Ça, pour un mauvais départ, c'est un très mauvais départ ! Quoiqu'il en soit, à l'épiphanie, durant la nuit de samedi à dimanche il est quand même pendu, PAILHASSE TRÔNE A SA PLACE ! Il n'a pas de nom et le blanc ne l'accompagne pas. Il n'est pourtant pas seul, un cadavre et un képi l'accompagnent non loin sur la place.

Ça donne la température : Cournon est un village de gaulois, de gaulois qui ont la tète dure comme de l'acier trempé, qui ne baissent pas les bras et ne se laissent pas abattre !

Comme à l'accoutumée, le dimanche matin, les badauds viennent voir le Roi de Paille. Ils sont peu nombreux sur la place du village et finiront par se faire disperser par les gens d'arme. Pourtant tout était plutôt calme, bon enfant avec frangipane et rhum pour réchauffer les corps. Si pour les officiels le moment était "très grave", pour les quelques présents, cela prêtait plutôt à sourire ; Un espoir de voir une once de carnaval se profiler. Les gens d'arme joueront au chat et la souris avec les musiques entendues de loin ! Que tous les bals, corsos et autres manifestations de la période carnavalesque soient annulés, soit ! Mais les pailhasses, ça c'est impensable !


Il faut dire que pour les Cournonterralais, à qui la tradition tient à cœur, la situation est tout de même angoissante.


-Pourquoi ?

-A) Les seules fois où les pailhasses n'ont pas eu lieu c'est pendant les 3 grandes guerres.

    -Pour la première, la guerre Franco-Prussienne en 1871 (mais cet arrêt des festivités est non-avéré).

    -Pour la seconde de 14/18, plus de 60 Cournonterralais ont été tués durant les conflits, de très nombreux blessés, handicapés, ruinés, etc ... Toutes les familles du village ont été impactées. Impossible dans ces conditions de faire la fête.

    -Pour la troisième de 39/45, avec les allemands présents au village, il valait mieux ne pas tenter le diable. Sinon, c'était le peloton ou l’exécution sommaire. Même si certains ont raconté des légendes là dessus, aucun pailhasse dans les rues ces années là !

-B) Les pailhasses n'ont jamais fait l'unanimité et les interdits il y en a toujours eu.

    -Les maires et autres élus qui étaient contre et ont essayé d'interdire les pailhasses, il y en a eu à la pelle. l'un des exemple les plus connu est celui de Parguel qui en a fait les frais au début du XXe siècle.

    -Les ecclésiastes qui étaient contre cette jacquerie, cette hérésie païenne (par exemple l'abbé Fabre au XVIIe siècle, ou plus ancien voir : 1698, le jour du grand scandale dans le livre "Cournonterral").

    -Les révolutionnaires qui ont émis un arrêté, en 1790, interdisant le carnaval. Arrêté dont ce sont inspirées de nombreuses communes (dont Cournonterral) pour officialiser les interdits (jusqu'à aujourd'hui !).


Pour les guerres il était impossible de lutter mais pour les interdits comment a réagit la population ?


Comme dit plus haut, les pailhasses n'ont jamais fait l'unanimité au sein de la population Cournonterralaise. Pourtant, à chaque fois qu'un interdit à été édité, toute la population s'est trouvée réunie sous une même bannière : celle du pailhasse. Tous les partis opposés, que ce soit politiques, religieux ou autres ont marché dans la même direction. Pour certaines occasions, pour faire le nombre, des vieux, des enfants et mêmes des femmes se sont habillés en pailhasse ! Il est vrai qu'il y avait des entorses au costume ; ce sont d'autres époques où les effets n'étaient pas si simples à trouver qu’aujourd’hui. Peu importe, de nombreuses personnes sont allés en garrigues farcir leur chemise d'herbe sèche ou verte, n'importe quel "cap" en guise de gibus et n'importe quel tissus en guise de masque. Peu importe l'aspect, ce sont tous des pailhasses, des pailhasses du vieux Cournon ! Ces actions ont été d'une efficacité redoutable, les décideurs ont été évincés. D'autres fois, certains élus, un peu trop sûrs de eux et de leurs fonctions, sont descendus dans la rue. Ils se sont fait trainer d'une comporte à l'autre dans tout le village !

Comme dit juste avant, il y a eu des entorses au costume mais y'en a t'il eu à la tradition ? CERTAINEMENT PAS !


Ça, c'était avant. Et en 2021, que s'est-il passé ?


Pour cette année 2021, l'interdit plane sur Cournonterral, l'incertitude la plus totale aussi. Pour certains, dont je fais partie, ne voir qu'un pailhasse, ne serait-ce qu'une seconde avant de se faire refouler par les autorités ce serait déjà une victoire.

Chacun dans son coin voulait faire pailhasse mais dans quelles conditions, pour quels risques ?

A leur habitude, les badauds trainent déjà dés le matin dans les rues du village. Tout le monde se pose des questions. l'heure avançant, les badauds se font de plus en plus nombreux à l'approche de 15 heures. Les gens d'arme accompagnés des municipaux sont présents sur la place du village. Les minutes s’égrainent et chacun y va de son commentaire : " Je crois qu'ils sont là-bas, une comporte a été renversée au Temple, ... ". 15 heures sur la place et 1 ou 2 passages furtifs de festejaires mais pas de ronde comme à l'accoutumée. Normal, avec les hommes en bleu qui les attendent là ...

Puis en nombre, à l'image de la légende, les 100 arrivent sur la place et improvisent une pseudo-ronde au son de "ET MERDE, VIVE LA MERDE". L'esprit de Pailhasse est là ! Les 100 resteront soudés tout l'après-midi se déplaçant de rue en rue, de place en place et tout cela dans la meilleure des humeurs.

Comme dit et répété de nombreuses fois et depuis de nombreuses années : les pailhasses sont une initiative personnelle et individuelle. La seule chose qui a mobilisé ce monde c'est l'amour et l'esprit de pailhasse.

Les gens d'arme sont venus en force, de nombreux véhicules et même un hélicoptère qui a survolé la masse durant de nombreux instants. Quel fantastique déploiement de force et de moyens et surtout, quel gâchis !

La troupe s'est séparée avant 18 heures et chacun est rentré chez lui. Je les ai accompagné tout l'après-midi mais je ne donnerais aucun autre détail. A l'image de Napoléon qui avait dit : "Il vous suffira de dire : j'étais à la bataille d'Austerlitz, pour qu'on réponde : voilà un brave !". Que ce soit pailhasses, blancs, sales ou badauds, ceux qui étaient là pourront dire "Aux cendres 2021, j'y étais !" et en avoir de la fierté !

Pour marquer le coup, la météo a aussi joué des siennes : les jours précédents et les jours suivants il y eu pluie et froid sur Cournonterral alors que le jour de cendres : quel beau temps chaud ! Certains se souviennent de l'adage : "le jour des cendres, Dieu s'habille en pailhasse. C'est pour ça qu'il ne pleut jamais ! " et cela a été, une nouvelle fois, prouvé !

Tout n'a pas pu se passer comme à l'accoutumée et étaient-ce de vrais pailhasses ou non ? Déjà, pour commencer, le vrai pailhasse est celui qui est dans les rues de Cournon le jour des cendres. Le pailhasse est le roi de paille suspendu au balcon et les pailhasses ceux qui lui rendront honneur le jour des cendres. Alors oui, ce sont de vrais pailhasses ... et quels pailhasses !


A L'AN QUE VEN


Et en attendant ..

La Ravachole

28 décembre 2020

LA LEGENDE

Le site "pailhasses.com" n’existant plus, continuons à exhumer ses archives en les agrémentant de nouvelles informations complémentaires :


LA LÉGENDE HISTORIQUE / L'HISTOIRE LÉGENDAIRE


Déjà pour commencer, pourquoi une légende et d'où sort cette histoire ?

21Pailhasses d'après la légende de Pompilius par Ricesco (2010)

A Cournonterral, depuis fort longtemps, les gens faisaient pailhasse et, à vrai dire, l'essentiel était de s'amuser. "D'où venait ce rite ?", "qui ou quoi en était à l'origine ?" n'était pas la principale préoccupation des participants. Une petite et légère histoire circulait pourtant :


L'ANCIENNE LÉGENDE


En des temps anciens, le seigneur de Cournonterral avait interdit que l'on coupe du bois dans les forêts communales et que l'on même paître les troupeaux dans les garrigues.
Ces terres, disait-il, lui appartenaient.
Tout contrevenant subissait un châtiment sévère et exemplaire.
Le peuple, au comble de l'exaspération se révolta.
Malgré la résistance d'une milice forte, il prit d'assaut le château où résidait son suzerain et l'obligea à revenir sur sa décision, jugée arbitraire et contraire à la pratique coutumière.
Pour fêter cette victoire des petites gens sur l'autorité féodale, on institua la tradition des pailhasses.*

* Forme du texte qui circulait durant le XIXe siècle


Pas de nom, pas de lieu précis, "en des temps anciens" ... Cette histoire très vague ramène, peut-être, à un conflit passé entre seigneur et vassaux. Mais lequel et quand ? Y'a t'il eu un réel conflit, un événement particulier de cette teneur dans l'histoire de Cournonterral ? En fait il y en a eu plusieurs et à différentes époques durant la période féodale (qui s'est tout de même étalée du Xe siècle à la Révolution) ! Voyons cela :

- A : Le Consulat à Cournonterral. Sur une longue période allant du XIIIe au XIVe siècle, les bourgeois du lieu ont menés de longues batailles envers les seigneurs de Cournonterral. Un long conflit d’intérêts qui a abouti à la création du consulat. Victoires et revers ont jalonnés ce parcours. Léger rappel :

   - En 1238, les bourgeois gagnent un première (du moins la première connue) campagne contre les seigneurs (en l’occurrence Vassadela et son fils Raymond Vassadel). Ils y gagnent l'annulation pure et simple de plusieurs impôts.

   - Après une période d'accalmie, en 1299, les hostilités reprennent. Les seigneurs de Cournon s'attèlent à imposer et contraindre les banalités et s'attaquent aux droits d'usage. Droits d'usage que l'ont peut comparer à "la pratique coutumière" du texte de "L'Ancienne Légende". Lorsque l'on parle d'us et coutume, ce n'est pas de fêtes, danses et plume dans le cul qu'on fait référence, c'est d'usage et pratique. Pour simplifier : une personne qui pratique une activité (pas sportive !) comme ramasser du bois dans un lieu précis ou mener paître un troupeau par habitude et ce depuis plusieurs générations, cela devient pour lui un droit de pouvoir continuer librement : un droit d'usage ou de coutume. Droit contre lequel un seigneur ne peut pas (en théorie !) s'opposer.

   - Tout cela mènera à la création du consulat en 1344 (ce qui n'empêchera pas les conflits de continuer). Les conflits entre gens du peuple et seigneurs, qui aurait pu justifier l'ancienne légende, ne manquent pas durant cette période et pour ceux qui voudrait en savoir plus, je rappelle de lire "Le Consulat à Cournonterral" par Alexandre Germain.

- B : L'Affaire des Bois de Cournonterral. Les histoires et les conflits passés durant les XIIe et XIVe siècles ont été réédités durant le XVIIIe siècle. L'affaire de bois ne concerne pas que les bois mais celle-ci s'étale sur de nombreuses années et ne prendra fin qu'à la Révolution (de 1778 à 1793 exactement). Cournonterral, pour la première fois de son histoire, n'a pas plusieurs co-seigneurs mais un seigneur unique : Etienne de Portalès. Le gars est plutôt vénal et totalitaire (oui, c'est un vrai gros méchant !) et n'hésite pas à être hostile (un doux euphémisme !) envers les gens du lieu. Les droits d'usage sont à nouveau bafoués, les banalités imposées de force, intimidations, menaces, etc ... cela conduira même jusqu'au meurtre. Pas le temps de s'ennuyer à Cournonterral ! Un événement particulier durant cette période peut justifier à lui seul le texte de l'ancienne Légende :


   - En février 1787 (le 20 ou 21) : "Un caporal et 3 soldats du Vermandois arrivent au cabaret* le dernier jour de carnaval pour porter la désunion et le trouble ... C’est ainsi qu’au sein même des orgies, de la liberté et du plaisir des confidences trompeuses, s’efforçaient de semer la division pour recueillir la vengeance ... sous des prétextes simulés, le caporal et les soldats avaient feint de regagner la ville. La nuit arrive : un bruit affreux se fait entendre au corps-de-garde des chasseurs ; des pierres volent de toutes parts ; les chasseurs se mettent à la poursuite des coupables ; l’obscurité les favorise ; le premier consul demande la permission aux soldats pour découvrir les auteurs du crime. On court ça et là dans l’obscurité, rien ne se présente ; les fuyards ont disparu : un bruit léger se fait entendre, on écoute, et les traces d’un homme sont reconnues ; on vole au bruit et le coupable est arrêté ... Ce coupable travesti était ce même caporal qui quelques heures plutôt avait cherché par ses propos à rendre suspects les habitants de Cournonterral, Il est conduit devant le commandant : les reproches d’un homme d’honneur viennent couvrir de confusion ce vil suppôt de la haine ; on le renvoie au corps de garde. A peine y est il arrivé que la femme du chasseur de M. de Portalès vient pour lui rendre son habit d’ordonnance, et reprendre la veste de son mari dont le caporal s’était servi pour se déguiser, le lendemain il est traduit à Montpellier sous l’escorte d’un détachement ..."

* Le cabaret en question est le futur cabaret de Laus situé juste derrière la boucherie sur le Plan de la Bibliothèque. Ce cabaret était un "haut lieu" d'amusement et de débordement. On y reviendra prochainement.


Tous les éléments (événements, travestissement, course poursuite, date, etc ...) sont présents dans ce texte pour justifier l'ancienne légende (et même pour justifier les pailhasses tout court ! Mais ça, c'est un autre propos, on y reviendra une autre fois !). Pour connaître les moindres détails de l'affaire des bois de Cournonterral se référer à l'excellent chapitre écrit par la non moins excellentissime Francine paru dans le livre intitulé COURNONTERRAL : Etienne François de Portalès, seigneur de Cournonterral contre la Communauté du lieu (pages 49 à 54) ainsi qu'aux écrits de L. Segondy parus dans le journal communal : "Une communauté en lutte contre son seigneur : l'affaire des bois de Cournonterral (1778-1793)".

Les écrits de Segondy


Voila, on a presque fait le tour de l'ancienne légende. Qu'en est-il de l'actuelle ?


- Légende ? Comment ça ? C'est pas une vraie histoire ?

- Ton monde vient de s'écrouler mon ami ? Prends une aspirine, je t'explique !

Au XIXe siècle à Cournonterral vit un petit personnage, petit par la taille mais démesuré par l'égo, appelé Pompilius Bastide. Égocentrique et aussi bien Mythomane, Pompilius a réinventé toutes les légendes qui avaient cours à Cournonterral. Le bonhomme a également passé son temps à chercher un moyen de laisser une trace dans l'histoire. Il écrivait de nombreux textes en Oc ou en français et de plus était actif dans la vie politique du village ; il en a été 2 fois maire. Une première fois de 1885 à 1888 et une seconde de 1904 à 1908. Trouvant que son propre nom de faisait pas très sérieux, le personnage se fait surnommer Lius par ses amis (ça fait moins pouêt-pouêt que Pompilius) et cherche à rallonger son nom de famille : son premier mandat de maire, il le brigue sous le nom de Bastide Tieule (du nom de sa femme) ; quelques années plus tard, il se fera appeler Bastide de Clausel (ou Claussel) puis Bastide de l'Oulieu (une particule ça en rajoute !). Un dernier détail : le gars déteste les pailhasses. Le jour des cendres il se rend à sa bastidetta en garrigue prés de l'actuelle M102 (route de Murviel) et ne rentre au village que le soir tombé pour constater les dégâts. Il est vrai que, des mecs drôlement habillés, complétement bourrés et qui salopent les rues, en tant qu'élu ça le fait pas. Après son premier mandat de maire, le gars brigue à nouveau le poste mais n'ayant pas convaincu il est barré par des gens plus compétents comme François Fanjaut ou encore Émile Parguel.

Le gars a du temps à perdre entre ses mandats et dans l'espoir d'être un jour réélu, il se prépare. Il écrit énormément, se fait son cinéma et essaie de palier à un soucis auquel il a été confronté en tant que maire : les pailhasses ! S'il estime que les pailhasses sont juste des sauvages dégueulasses, il sait aussi très bien qu'ils sont intouchables, toute la population de Cournonterral peut se retourner contre lui. S'il ne peut pas les interdire, il peut toujours essayer de les "édulcorer" ! Le gars vit un peu sur son nuage et est un piètre politique mais n'en reste pas moins quelqu'un de cultivé. Avec son habitude de tout réécrire, il s'attaque à la légende des pailhasses. Il veut y donner du corps, y donner de l'âme. Pour cela il va s'inspirer de l'histoire générale, des archives conservées à Cournonterral ainsi que de ses connaissances sur les traditions Montpelliéraines et Niçoises. La tache est ardue et Pompilius s'y reprendra à plusieurs fois ; le texte doit être suffisamment parfait pour paraître histoire acquise. A l'image du personnage, tout dans la modestie, le texte aura le titre de "La véritable origine des pailhasses de Cournonterral" et la mouture finale, de mars 1900, prendra la forme suivante :


LA LÉGENDE MODERNE


- C'était en 1346, après la bataille de Crécy (1), et la poudre à canon ne devait pas être connue à Cournonterral puisque le château-fort ne renfermait pour la défense des murailles et des hauts du lieux, que des arbalètes, deux caisses pleines de vires (2) ou flèches, trente manillons (3) de fer, des jacques (4), des costumes de maille, des épées et des javelots (5).
- Ces seules armes suffirent aux Cournonterralais pour soutenir une lutte des plus vive contre les habitants d'Aumelas et les Maseliers (6) voisins.
- Du temps immémorial, il était permis aux habitants de Cournonterral d'aller couper, dans les forêts communales et seigneuriales attenantes à celles d'Aumelas, le bois mort des yeuses (7) dénommé en languedocien : cimèla.
- Les habitants d'Aumelas moins favorisés par la nature de leur sol que ceux de Cournonterral, voulaient avoir seuls le "droit de lignerage" (8), privilège qu'ils considéraient comme étant la source la plus sûre de leurs revenus.
- Une haine sourde régnait dans les cœurs.
- Le lendemain d'une journée de pluie, alors que les gens de Cournonterral allaient, suivant l'antique coutume, les uns montés sur des ânes, les autres sur des carrioles traînées par des bœufs ou des chevaux, faire bonne charge de bois, les Aumelasiens et les Maseliers embusqués, les accueillirent à coup de fronde et de flèches.
- Cournonterralais et Cournonterralaises soutinrent de leur mieux une lutte inégale, plusieurs furent blessés et rentrèrent sanglants à Cournonterral.
- Le bruit de cette défaite se répandit vite dans la Commune, les Consuls, le Seigneur s'en émurent et ce dernier ordonna à son bayle, Palhas (9), de parer à une nouvelle éventualité. L'officier du seigneur réfléchit et s'inspirant sans doute de son nom, il proposa au "haut justicier Guillaume de Cournon" (10), un système d'épouvantail (11) humain qui fut adopté.
- Une "battue aux renards Aumelasiens" fut décidée entre les Consuls, le Seigneur et le peuple. Quatre-vingt-dix hommes et dix femmes formèrent une compagnie sous les ordres du chef Palhas. Ces "cent gardes" (12) furent ainsi équipés :
- Pour les hommes : bottes cloutées, jambières en peau de renard, légèrement farcies de balle d'avoine, cotte de mailles sur la chemise de toile rousse, et par-dessus, un large sac de grain, ouvert de façon à pouvoir passer la tête et les bras, sac farci de paille par devant, par derrière, et serré aux reins par une corde ou une courroie. La tête était couverte d'un bonnet de laine (13) multicolore qu'un jet d'osier tordu et cousu en spirale faisait tenir "haut et ferme". Le visage était masqué d'une peau de blaireau (14). Le tout agrémenté de plumes d'oie ou de dinde (15) et de rameaux de buis (16), symbole de résistance. Chacun portait en bandoulière son carquois garni de flèches et l'arbalète sur l'épaule.
- Pour les femmes : souliers bas cloutés, guêtres en toile grise, cotillon en peau de renard, justaucorps dit matelote, en toile bleue recouverte d'une cotte de maille, toque en fourrure de blaireau, surmontée d'une aigrette en plumes d'oie ou d'un rameau de buis, et retenue par une large jugulaire en velours ou en drap au menton. Comme armes, la fronde et la faucille aux reins, le javelot en main.
- L'une d'elles était munie de boites de secours pour les blessés.
- C'est sur dix chars attelés de mules que la petite armée se mit en route pour Aumelas par Lamouroux (17).
- Une femme, Erméniars (18), de tout temps à la tète du parti populaire de Cournonterral, secondait son chef : Palhas.

aumelasAssaut des pailhasses sur les fagoteurs Aumelassiens d'après les textes de Pompilius par Ricesco (2011)

- Au bois de l'Olivette (19), l'avant garde de la compagnie aperçut les Aumelasiens en train de dévaster la forêt. Elle approcha, criant, hurlant comme des loups, fondant sur eux.
- Pris de frayeur à la vue d'une troupe si originalement vêtue, les "fagoteurs" s'enfuirent cherchant à s'embusquer derrière une roche ou une touffe d'yeuses.
- Les Cournonterralais descendirent de leur monture et tandis que les uns cernaient le bois, les autres y pénétrèrent et poursuivirent leurs ennemis.
- Se ravisant, faisant fronde de toute pierre et feu de tout bois, les Aumelasiens et les Maseliers se défendirent vaillamment. Mais harcelés, blessés, fatigués, leur honneur étant sauf, ils durent céder à la force et au droit.
- Prisonniers ils furent emmenés à Cournonterral devant les Consuls et le Seigneur. Admonestés, soignés de leurs blessures, ils passèrent la nuit dans les souterrains du Fort-Viel et furent rendus à la liberté après avoir juré sur les Saintes Évangiles de respecter à l'avenir gens et biens de Cournonterral.
- Parmi les cents gardes il y en eu qui reçurent des flèches dans les jambières, dans la cuirasse de paille, dans le bonnet rigide de laine ou dans la toque de blaireau. Ce dont ils se montrèrent fiers.
- Palhas reçut pour lui et ses guerriers les plus chaleureuses félicitations des Consuls et du Seigneur qui, voulant montrer aux populations voisines que toute atteinte portée aux droits seigneuriaux et communaux ainsi qu'aux libertés et usages locaux, serait vigoureusement réprimée par la solidarité cournonterralaise, décidèrent qu'en commémoration de ce haut fait d'armes une manifestation publique serait autorisée tous les ans le mercredi soir des cendres.
L'ordre du cortège était ainsi réglé :
1) Ouvrant la marche, le plus bel homme de la localité, costumé en pailhasse (20) et tenant en main un long et fort bâton d'yeuse (21), insigne de son commandement ;
2) Les jeunes gens de 15 à 20 ans (22), accoutrés selon l'originalité de chacun, les uns tapant sur des casseroles de cuivre (les tambours), les autres soufflant dans des olifants (les clairons) ;
3) Le char des frondeuses, monté par dix femmes portant la faucille au coté gauche, et la fronde en main. Aux quatre coins du char étaient entassées les pierres rondes du Coulazou, munitions gardées par quatre pailhasses armés de javelots ;
4) Palhas à cheval, en costume de bailli, l'épée au clair ;
5) Les pailhasses, à pied, avec carquois munis de flèches et arbalète sur l'épaule ;
6) Le char des Consuls en chaperon aux armes de Cournonterral "D'azur à chef losangé d'argent et de sinople" (23);
7) Le char du Seigneur Guillaume de Cournon ;
8) Le char des Prisonniers ;
9) Le char de la Victoire, conduit par ''Erméniars'' ;
10) Le char de la liberté, monté par le peuple.
Ainsi se déroulait dans les rues de Cournonterral cette superbe cavalcade qui, depuis près d'un siècle a dégénéré de plus en plus et a fini par céder la place aux saturnales d'avant-guerre (24).


A noter que ce texte, ayant été repris par bribes en 1962, comporte une fin différente (fin alternative écrite par Pompilius lui-même en 1898) :


- Emmenés à Cournonterral devant les consuls et les seigneurs, admonestés et soignés de leurs blessures, ils passèrent la nuit dans les souterrains du fort-viel et furent rendus à la liberté après avoir "juré sur les Saintes Évangiles de respecter à l'avenir, gens et biens de Cournonterral".
- L'officier centurion Pailhas, la femme Armeniars (25) qui dirigeait la gent féminine reçurent avec tous les guerriers, les plus chaleureuses félicitations.
- Il fut décidé qu'en commémoration de ce "haut fait d'armes" une manifestation publique serait autorisée tous les ans le mercredi des cendres.
- Le seigneur des hauts lieux, "Guillaume de Cournon" fit placer aux quatre coins du fort des barriques de vin afin que tout le monde du pays puisse festoyer et boire à volonté.
- Ce jour-là, ce fut une telle orgie, et les gardes tellement saouls, qu'ils éventrèrent les barriques et se roulèrent dans le vin répandu à terre, d'autres s'aspergeaient.
- Depuis ce temps, le nom de Pailhasses est voué à la postérité en souvenir de celui à qui l'on doit ce haut fait d'armes.


Pompilius essaie de faire publier son texte dès 1897 dans diverses revues mais la légende est refusée par tous. La secrétaire du "Petit Méridional" envoie une fin de non-recevoir au prétexte d'y voir un plaidoyer politique de la part de Pompilius. Effectivement, si aujourd'hui, cela ne saute pas aux yeux, pour l'époque et les événements contemporains, cela est plus évident : Pompilius se prend pour ce M. Palhas, le chevalier blanc qui va sauver la commune. Le Petit Méridional était un journal franc-maçonnique, société dont faisait parti Pompilius.


Comme dit plus haut, Pompilius était contre les pailhasses mais en tant que bon opportuniste qui se respecte il n'a pas hésité a en faire usage pour servir ses propres intérêts :

Les élections de 1904 approchent et le maire Parguel, en place, se représente pour un nouveau mandat. Parguel a été convaincant en tant que maire et sa réélection ne fait aucun doute. Impossible de le battre ... sauf si on utilise les coups bas et Pompilius va s'en faire un plaisir ! Donc, à l'approche de carnaval, Parguel édite un arrêté (décembre, date d'émission des arrêtés lors du dernier conseil annuel. Voir article précédent : LE PALLAISSOU). Arrêté qui existe depuis la Révolution et est réédité chaque année sous, plus ou moins, la même forme. Cet arrêté est toujours réemployé de nos jours (chercher sur le site officiel de la commune, les arrêtés de carnaval 2020 sont visibles). En son temps, Pompilius a déjà usé de ces arrêtés mais là en profite pour sauter sur l'occasion, n'hésitant pas à mentir : "Parguel est fils d'étranger (sa mère était Aveyronnaise !) et de plus veut interdire les pailhasses !". Cela suffit à mettre le feu aux poudres et toutes les factions opposées (politiques, religieuses, etc ...) se retrouvent réunis sous une même bannière : celle du pailhasse ! Les manifestations houleuses s'organisent devant l'Hôtel de ville, se succèdent et Parguel est chansonné (extraits) :

"VOLEM FAI DAU PALHASSA / "NOUS VOULONS FAIRE DU PAILHASSE
L'USATGE DAU PAÏS / LA TRADITION DU PAYS
TCHACUN SE DIBERTIS / CHACUN SE DIVERTIE
AÏCI SEU AQUESTA PLACA / ICI SUR CETTE PLACE
S'AQUO TE COUBEN PAS / SI CELA NE TE CONVIENT PAS
AU MENS DEVRIES ANAR / AU MOINS, TU DEVRAIS RETOURNER
AU PAÏS DE TA MAÏDE / AU PAYS DE TA MÈRE
AQUI LO VERIES PAS." / TU NE LE VERRAS PAS."

Le seul tort de Parguel fut celui de vouloir réintroduire un pourcentage de lie-de-vin dans la mixture : les rues étant en terre battue, l'odeur persistante de lie étant moins dérangeante que celle de la merde (pour l'époque, d'après témoignage, l'odeur persistait plus de 6 mois dans les rues). Il va sans dire que pour les élections, Parguel se fait laminer par Pompilius. Il continuera à vivre discrètement à Cournonterral où il décédera en 1949.

Dès sa réélection, Pompilius retourne une nouvelle fois sa veste et essai de contrer les pailhasses en éditant l'arrêté communal stipulant (et au passage, remettant sa légende sur l'avant scène) :


"Le jour des cendres, une coutume locale, souvenir du moyen âge, commandait au peuple de se rendre travesti sur la plus grande place publique du village pour s’y réjouir.
Les chars enguirlandés des arquebusiers et des frondeurs, précédés ou suivis par des groupes à pied de bâtonnistes ou paillasses, symbolisaient la défense locale contre toute atteinte à la charte consulaire et aux libertés communales.
Depuis un demi-siècle ce droit coutumier a singulièrement perdu de son autorité.
Le symbole qui en était la parure est tombé plus que dans la boue. On dirait qu’un esprit de barbarie outrage notre cité.
Jadis les Paillasses étaient pénétrés de sentiments de fierté locale, de responsabilité morale et libertaire et la foule qui les suivait et les acclamait, se plaisait à admirer leur séduisante désinvolture, sous un accoutrement quasi-majestueux. De nos jours les Paillasses aux couleurs et odeurs variées, inspirent à beaucoup de gens de la répugnance et une certaine terreur, tout étranger de passage ce jour là dans notre localité est ému, sinon indigné à la vue de ce spectacle écœurant.
S’il est vrai qu’en France le ridicule tue, laissons lui le soin de perpétrer son œuvre.
Cela dit, "Le jour des cendres prochain", les habitants pourront s’esbaudir selon l’ancienne coutume ou la nouvelle s’ils le préfèrent, et je compte sur le bon sens des manifestants et des curieux pour qu’aucune atteinte ne soit portée à la liberté des citoyens, au respect de la famille et de la propreté, que je place à bon droit sous la sauvegarde des agents de l’autorité municipale. L’arrêté du 24 Décembre 1903* et approuvé le 30 de la même année est toujours en vigueur."

* L'arrêté du 24 décembre 1903 est celui de l'ancien maire Parguel. Celui-ci ayant disparu (!) des archives, c'est par le texte de Pompilius que ce dernier est aujourd'hui connu.


Pompilius ne s’arrêtera pas là et continuera à se plaindre et à légiférer contre les pailhasses et leurs pratiques de nombreuses fois durant toute la durée de son mandat.


LES 25 RENVOIS DE LA LÉGENDE


- 1) CRECY : Crécy-en-Ponthieu, 26 août 1346, défaite des armées du roi Philippe VI face aux archers Gallois. Les terres d'Aumelas (Cardonnet), soi-disant, appartenaient par hérédité à la couronne d'Angleterre (mais ça, c'est encore une légende qui a la peau dure, Pompilius le croyait lui aussi !). En fait Pompilius change le déroulement de l'histoire en attribuant une victoire symbolique des français sur les anglais (pailhasses sur Aumelassiens).

- 2) VIRES : Carreaux d'arbalète (mal orthographié "vivres" en 1962).

- 3) MANILLONS : Références prises sur la lettre patente de CHARLES VI datée du 27 avril 1394 (88 EDT 186, voir plus bas). L'acte original, en latin, ayant disparu depuis fort longtemps, celui-ci a été recopié au tout début du XVe siècle en français. Le copiste n'ayant pas bien compris le terme l'a orthographié "manillon" (ou "mouvillon" ou "mourillon", le mot n'est pas très lisible et compréhensible). Il s'agit en fait du MOUFLE (treuil) ou MANIVELLE amovible de réarmement pour arbalète.

- 4) JACQUES : Références prises sur la lettre patente de CHARLES VI datée du 27 avril 1394 (88 EDT 186). Mal orthographié en 1962 en JACQUET. La JACQUE ou JAQUE est une veste de protection matelassée.

- 5) JAVELOTS : Lettre patente de CHARLES VI datée du 27 avril 1394 (88 EDT 186). "Vérifications que les murailles ont été réparées et fortifiées au frais des consuls" ; inventaire du bayle et des consuls des armements et défenses des murailles et des personnes (pour la prévention des attaques des compagnies de routiers anglais)*. Le document original à été retranscrit en français comme suit :
Pour la garde et défense de la muraille :
- 30 ARBALETES.
- 30 mourillons (ou mouvillons, ou mouvuillons, ou manillon) de fer (mot mal retranscrit).
- Deux caisses pleines de VIRES (voir plus haut) ou FLECHES.
- 30 pièces d'HARNOIS (épées, hallebardes, gourdin, etc ... harnois = ensemble de l'armement).
- JACQUES (voir plus haut).
- PLATES de FER et COTTES de MAILLE de FER.
Pour chaque habitant ou chef de maison :
- EPEE.
- Plusieurs JAVELOTS ou DARDS (armes de jet).
Dans les maisons du lieu et pour les habitants du lieu :.
- Plusieurs autres PETITS HARNOIS (dague, couteau, bâton, lance pierres, etc...).

* Voir article : L'HISTOIRE MEDIEVALE, partie 3 : les seigneurs et la guerre

- 6) MASELIERS : Habitants des mas (maisons de campagne, ferme). MAZELIER: autre nom du boucher (Thalamus Parvis). Surement un jeu de mot dans la légende !

- 7) YEUSE, CIMELA : Chêne vert. Le 12 avril 1339, devant le bayle Guillaume FIRMIN, les syndics s'opposent à une interdiction abusive sur la ramasse des bois et la chasse sur les terres de FERTILHIERES. Ce passage peut aussi rapporter au conflit de "l'affaire des bois de Cournonterral" opposant les habitants à M. de PORTALES au XVIIIe siècle date à laquelle l'histoire a été rééditée.

- 8) DROIT DE LIGNERAGE : Pratique de la coupe et ramassage de bois. Droit accordé par les seigneurs aux habitants.

- 9) PALHAS : Le bayle (prévôt) était le représentant de l'autorité du Roi ou du Prince, il était chargé de faire appliquer la justice et de contrôler l'administration. En 1346, le bayle en place à Cournonterral se nomme Guillaume FIRMIN, suivit de Pierre VIDAL en 1348. D'après Pompilius, PALHAS aurait donné son nom aux Pailhasses (origine du nom de famille : celui qui possède un pailler ou un grenier). Si le bayle PALHAS n'est recensé sur aucune archive du moyen-âge, il existe tout de même un monsieur PAILHAS (François, originaire de Compeyre près de Millau) recensé dans les archives départementales de l'Hérault et ayant vécu à Cournonterral (première moitié du XIXe siècle). La famille Pailhas sera présente à Cournonterral jusqu'au début du XXe siècle*.

* Voir article : PAILHAS, nom légendaire ou véritable nom ?

- 10) GUILLAUME de CORNON : Né vers 1305 et décédé entre 1346 et 1348. Fils d'Othon de CORNON et de Fizas, marié à RAIMBAUDE et père de MIRACLA (dernière à porter le nom de "de Cornon"). Co-seigneur de Cournonterral avec Raymond de MONTLAUR et Bertrand d'AGNAC. Seigneurs contre lesquels ce sont opposés les syndics de Cournon : Guillaume-Bernard de TROIS-LOUPS, Hugues CRISTINE et Raymond FIRMIN, durant de nombreuses décennies jusqu'à l'obtention de consuls octroyant plus de droits et libertés aux bourgeois de Cournonterral et limitant ceux des seigneurs. Les premiers consuls nommés à Cournonterral le 8 Août 1344 sont : Bernard CRISTINE, Jean ETIENNE et Pierre DAVIN puis les suivants le 24 Juin 1345 : Étienne DAVIN, Pierre VERDIER, Pierre-Bernard de TROIS-LOUPS, etc ...

- 11) EPOUVANTAIL : L'épouvantail, également appelé PALHASSE, EMPALHAT, etc ... comme il est encore nommé dans d'autres lieux, est le roi de paille (ou roi de carnaval) et est le symbole utilisé pour repousser les choses néfastes (comme l'épouvantail dans les champs, accoutré de haillons, fait fuir les oiseaux).

- 12) CENTS GARDES : Renommé "nouvelle centurie" en 1962.

- 13) BONNET DE LAINE : Les bonnets de laine multicolores, rehaussés d'osier et fichés de plumes sont encore utilisés dans différents carnavals ou traditions en Europe (pays de l'est, péninsule ibérique, etc ... ). Les PLUMES de DINDE (sept au nombre des tours de Cournon) sont le symbole des fortifications et de la résistance du village, de fierté mais aussi peuvent être symbole de saleté et de bêtise. Le bonnet de laine (comme les bonnets phrygiens (symbole de la liberté), chapeaux pointus, bicornes...) ont été définitivement remplacés à Cournonterral par le gibus vers la fin du XIXe siècle.

- 14) PEAU DE BLAIREAU : La peau de blaireau était RARE, UTILE ET PRECIEUSE, elle n'a été que très rarement utilisée pour le rabas du pailhasse et ce, qu'après la moitié du XXe siècle. Le masque primitif en peau naturelle (chat, lapin, mouton, chèvre, tète de cochon évidée ...) des pailhasses est utilisé depuis la nuit des temps. Historiquement, les plus vieux rabas de pailhasses sont principalement en peau de chat ou de lapin. Vers le V/VIe et IX/Xe siècles lors de fêtes dites païennes (dont Carnavalaré) ; les jeunes gens masqués, de toile, de peau animale, de têtes d'animaux évidées, faisaient le tour des fermes et des maisons pour se faire offrir à manger, boire ... Le rabas doit son nom à la peau roulée (le RABAT) à la base du collier des animaux de travail qui, lorsque l'animal est au repos, est déroulée afin que la bête ne se refroidisse pas trop rapidement. Le rabas est aussi l'autre nom du blaireau, du putois et d'un mouton à laine pendante et grossière. Le rabas est confectionné par le pailhasse lui-même ou, quand cela est possible, hérité de son père. Devenu inutile, il est brûlé ou caché au fond d'une armoire. En aucun cas il n'est jeté ou prêté à un étranger.

- 15) DINDE : animal découvert qu'un siècle et demi plus tard sur le continent américain !

- 16) BUIS : invention "symbolique" de Pompilius pour la "résistance".

- 17) LAMOUROUX : retranscrit "Tamaroux" en 1962. Surement un jeu de mot de Léon Galzy (celui qui a validé les bribes de légende pour le texte de 1962) pour dire qu'ils étaient partis à la chasse au dahut !

- 18) ERMENIARS : Épouse de Pons CALVE de Villeneuve, soeur du syndic Guillaume-Bernard de TROIS-LOUPS (Guillelmum Bernardi de TRIBVS LVPIS, sûrement celui qui a inspiré, du moins en partie, le personnage du bayle PALHAS). Erméniars est connue pour avoir été très active à la fin du XIIIe/début XIVe siècle, ayant un caractère bien "trempé" : "Signalée comme une personne qui semble prendre plaisir à résister à tous les ordres, comme à violer toutes les défenses" (compromis du 15 Janvier 1302). Avec son frère, elle a mené une action punitive contre les maseliers à qui PIERRE de COURNON avait donné les droits de paissance sur les terres communales. Dans les archives de Cournonterral, seule une autre Ermeniars (Erméniardis GALVANCHII) apparaît sur une liste de votants en 1344 ; aucun acte particulier ne lui est attribué.

- 19) BOIS DE L'OLIVETTE : Lieu-dit se trouvant au dessus de concrétions rocheuses surplombant le Coulazou au nord de cournonterral près de Féraillès. Olivette était aussi le nom donné aux jeunes filles (un peu l'équivalent des catherinettes) accompagnant la sortie de l'Arlequin comme les jeunes femmes du village accompagnaient les pailhasses avant l'apparition des blancs (jusqu'à la fin XIXe siècle). L'abbé FAVRE y fait référence dès la moitié du XVIIIe siècle.

- 20) LE PLUS BEL HOMME : Avant la guerre de 1914/18, ce n'est pas tout le monde qui pouvait vétir l'habit du pailhasse. Il y avait des volontaires et parmi eux, seulement certains étaient selectionnés dont un, le plus méritant, qui endossait le rôle principal, les autres l'accompagnants. Ce système sélectif est toujours de mise comme à Prats-de-Mollo-la-Preste pour les fêtes de l'Ours.

- 21) FORT BATON D'YEUSE : Probablement un relent du THYRSE utilisé par le meneur depuis au moins le XVIIIe siècle (abbé FABRE).

- 22) LES JEUNES GENS : De même pour la sélection du plus méritant, l'age et le statut social défini la position de chacun : avant le service militaire en blanc, après le service en pailhasse ...

- 23) LE CHAPERON : Attribut qui servait à distinguer différentes classes sociales durant le moyen-âge (consuls, médecin, etc ...). A Cournonterral, le chaperon des consuls n'était pas aux couleurs du blason mais de rouge uni (oui, un chaperon rouge ! Et c'est pas une blague).

- 24) SATURNALES D'AVANT GUERRE : Les Saturnales avaient lieu, durant l'antiquité, du 17 au 23 décembre. On ne sait pas si à une époque ou une autre des festivités avaient lieu à ce moment là à Cournonterral. La guerre à laquelle Pompilius fait référence est la guerre franco-allemande de 1870.

- 25) ARMENIARS : Mal orthographié en 1962. l'écriture correcte de ce prénom est bien ERMENIARS (prononcé erméniarz ou erminjarz). Ce prénom est une autre forme du prénom Ermengarde.

Comme vu avec ces 25 renvois, les dates ne correspondent pas, les personnes non plus, beaucoup d'erreurs, d'incohérences et d'anomalies. Pour ceux qui connaissent un minimum l'histoire du village, il est évident que ce texte n'est qu'une légende. Pour les autres, je ne citerais que Paul REDONNEL qui écrivait en 1898 : "L’imagination de poète de mon ami Bastide de Clausel a créé une légende jolie et digne d’être vraie. Il est possible que dans quelques années la fable récente pénètre la légende ancienne. Nos neveux en démêleront ce qu’ils pourront* [...]"

* ça, c'est fait !


Pompilius n'était pas le seul élu qui était contre les pailhasses. D'autres, ont essayé d'interférer aux festivités mais ça, ce sera une autre histoire !


En attendant : AI VIST LO LOP par IN EXTREMO

26 septembre 2020

LES NOMS DES RUES, à l'époque où ils signifiaient encore quelque chose.

Pour ce nouvel article, on va s’intéresser aux rues intra-muros ("à l'intérieur des murs" pour ceux à qui le latin donne de l'urticaire), aux rues et chemins qui se situent dans l'immédiat extra-muros ("à l'extérieur des murs"), à leurs histoires et à leurs différentes appellations.


Aujourd'hui, à chaque bout de rue il y a un petit panonceau, plus ou moins coloré, qui indique le nom de la rue où l'on se trouve (et là, tu te dis que c'est la découverte du siècle !). C'est très bien mais cela n'a pas toujours été le cas. Pourtant tous ces lieux de passage ne sont (et n'étaient) pas anonymes (enfin, pas pour tous) et portaient un nom que j'appelle "un nom utile". Je m'explique :

Pas plus cons que mal habillés, au moyen-âge, les gens devaient également se repérer ou repérer les lieux dans leur environnement. Adeptes de la facilité (au contraire d'aujourd'hui), les gens nommaient les rues et les passages suivant leur destination ou suivant une particularité (géographique, commerciale, artisanale, etc ...) de l'endroit. Par exemple la rue de l’Église qui mène simplement vers l'église, la Calade qui est parsemée de pierres, la rue des Puits, le chemin de Cournonsec qui mène à Toulon (non, à Cournonsec, c'était juste un test pour voir si t'étais encore attentif !), etc, etc, etc ... Les noms de lieux et de rues avaient une autre utilité : dés le XIVe siècle, dans les compoix(1) (ancêtre rudimentaire du cadastre en Occitanie) les noms permettaient de situer et de délimiter les différentes possessions (intra et extra-muros) ... les impôts ça se calcule au plus juste !

Aujourd'hui, certains de ces noms se sont perdus, des significations ont été oubliées, des rues ont été rebaptisées, d'autres n'existent plus et de nouvelles ont été créées. Voyons-voir ce qui faisait le "réseau routier" à Cournonterral depuis le moyen-âge.


Les lieux-dits


Déjà, quel est l’intérêt de connaitre les anciens noms ? Dans les nombreuses recherches que j'ai effectué avec Francine (ricetfran ça vient de là !), le fait de connaitre ces noms nous a permis de "reconstituer" une image, des plus exactes, du village médiéval et de son évolution au travers des siècles ; les rues étant le seul vestige encore visible du Cournonterral médiéval (excepté les fortifications). Comme dit plus haut les "noms utiles" ont permis de découvrir beaucoup de choses mais également de balayer beaucoup de légendes.


Dans un premier temps, jusqu'au XIIIe/XIVe siècle, peu de lieux portent un nom (du moins, les lieux ne sont pas recensés sous une appellation particulière) et sont généralement appelés par un terme désignant la nature du terrain ou son utilisation : herme, garrigue, bois, forêt, fruitier, roche, podium, etc ... Mais de nombreux lieux ont une même utilité ou une même nature et il faut les distinguer. Les noms sont-ils déjà existants et usité ? C'est plus que probable mais les archives ne le relatent pas.

Le castrum, lui, est divisé en "quartiers", eux-mêmes divisés en lieux-dits, à l'image des lieux-dits en garrigue qui nomment les différentes zones(2). Du XIIe au XIVe siècle, les quartiers de Cournonterral sont au nombre de 3 : la haute cour, la basse cour et ce que j'appelle le "quartier de l'église". Le bourg primitif de Cournonterral se situe entre les rues des Huguenots, boulevard du Théron et Mourade. Lorsque je parle de quartier de l'église, c'est pour situer la zone est du village dans laquelle se trouve l'église, son jardin et le presbytère (et probablement un cimetière) ; aujourd'hui, il n'est plus possible de distinguer si cette partie faisait partie du bourg, de la basse cour ou si elle était seulement fortifiée (mais ça on y reviendra une prochaine fois). Fin du XVIe siècle des premiers noms font leur apparition dans les archives et ceux-ci nous donnent déjà une bonne approche de ce qu'était le Cournonterral d'avant le XIVe siècle. Le plan suivant va aider à tout situer avec les quelques appellations :

rues1En jaune : cadastre de 1845 ; en rouge : ensemble castral et quartier de l'église.

Les banalités telles que le four et le pressoir sont construits extra-muros afin d'éviter la propagation d'un éventuel incendie.

Durant le XIIIe, le faubourg s'est énormément agrandi. Si celui-ci n'est pas encore fortifié (la demande ne s'en faisant pas ressentir), sa superficie est soit déjà équivalente à celle des fortification qui seront construites un siècle plus tard à la fin du XIVe siècle, soit encore plus étendue ; il n'est pas possible de donner une superficie exacte, des maisons (maison, pas manse !) se trouvant déjà dans la proximité immédiate de l'extra-muros définitif(3) et l'on peut estimer qu'elles faisaient partie de l'agglomération. Par simple commodité et usage (et aussi par légifération), les passages, les zones d'habitat et les lieux dégagés sont déjà présents.


LES RUES DANS LE DÉTAIL


Maintenant, venons-en aux noms des rues et la leur "petite" histoire :

- Plan du Four : place du village qui servait aux foires, le plan du Four s'entendait de la porte des Jasses (ou du Four !) à la rue des Huguenots et était plus large qu'aujourd'hui. Il doit son nom simplement au four banal qui se trouvait au 3 rue du Plan du Four (il ne subsiste aujourd'hui aucune trace du four, celui-ci ayant été démoli au XIXe siècle). Après la réduction de sa surface (maisons construites près de la porte des remparts), le plan du Four a été scindé en rue du Plan du Four et plan du Four. Aujourd'hui, officiellement, seule l'appellation de rue du Plan du Four subsiste.

- Plan de la Place : aujourd'hui appelé place ou plan de la Bibliothèque. Le plan de la Place, c'est l’ancêtre de notre place actuelle. La "Place du village" comme on l'appelle familièrement. La maison commune (maison Cazagnes qui est devenue après la révolution Hôtel de Ville) se trouvait à l'emplacement de l'actuel ludothèque (ludothèque qui a succédé à la bibliothèque). En face de la maison Cazagnes se trouvait le cabaret de Laus et le plan était l'endroit le plus animé de Cournon (mais ça on en parlera très prochainement). Le plan de la Place a été rattaché, un temps, à la rue des Huguenots. A l'image du plan du Four, le plan de la Place servait aux foires. Ça superficie s'étendait plus loin au nord (d'au moins 2 maisons).

- Rue des Bons Enfants : à venir ...

- Rue Dressière : une dressière est un chemin, un raccourci, une rue pentue ... dans notre cas, avant la construction du rempart définitif à la fin du XIVe siècle, la dressière était le chemin "périphérique" de l'agglomération.

- Rue de l’Église : aujourd'hui : rue Fournier. Pendant longtemps, j'ai pensé que la rue Fournier était la rue du fournier (celui qui s'occupe du four). Non, en fait, c'était que M. Fournier (un ancien instituteur) habitait là, sacrée désillusion ! Passage de l'ancienne porte de la Réjolle, le plan actuel de l'église était fermé et ce passage était le seul de l'agglomération vers l'église.

- Rue du Four : (encore une ?!?) la rue du Four s'étendait de la rue des Huguenots à l'actuel plan du Four. Cette rue a porté peu de temps cette appellation ; elle fut créée lorsque le plan du Four a été réduit près de la rue des Huguenots. La rue a perdu son appellation et a été rattachée à la rue du Puits de Séchon.

- Rue et Impasse du Hazard : andronne partielle et parallèle à l'actuelle rue Carnot, aujourd'hui rattachée à la rue des Huguenots.

- Rue des Huguenots : à l'origine la rue des Huguenots ne s'étendait que des numéros 22 à 34 de l'actuelle rue. Elle à été prolongée au nord jusqu'à l'actuelle rue Carnot et au sud jusqu'au plan de la Place. Elle a pris cette appellation au XVIe ou XVIIe siècle dû à la présence des protestants et surtout du temple protestant (jusqu'au XIXe siècle).

- Rue de la Montée du Château : anciennement Montée du château, Montée du Plan du Château, Montée du Vieux Château, ... Rampe artificielle édifiée depuis le XIIe siècle et seul accès vers la haute cour.

- Rue Moustache : cette rue relie la rue Dressière à la rue du Puits de Séchon. Elle a été rattachée à la rue Dressière. Appellation de Moustache d'origine inconnue.

- Rue du Nord : ou rue de Bellevue (Belle-Vue). La rue du Nord s'étendait du plan Robert Granier, boulevard du Théron et passage de la Tour Sarrazine.

- Rue du Plan de l'Oum : l'oum ou orme en français était l'arbre sous lequel était rendue la justice. Le plan (et l'orme) se trouvait précisément près de la porte de la Réjolle (rue Fournier). A noter qu'à Cournonterral (jusqu'au XIVe siècle, la justice était rendue sous un murier (séculaire !) au même endroit. La rue du Plan de l'Oum s'étendait de l'actuelle place du village au plan prés de la porte de la Réjolle. Aujourd'hui, la rue a été prolongée jusqu'au trou du rempart dans la partie en contrebas de la Montée du Château.

- Rue Portalès : ancienne portion de la rue du Plan de l'Oum située de la tourelle hexagonale au trou du rempart.

- Rue du Puits de la Place : ou rue du Puits de la Pompe. Rue qui relie le plan de la Place à la rue du Jeu de Ballon.

- Rue du Puits de Séchon : le puits de Séchon se situait au milieu de la rue face à l'actuel numéro 6 de la rue. Le nom de Séchon vient de "sècho" (ce qui dure, en parlant de denrée). il n'y a pas plus d'info sur ce puits mais des aqueducs passent sous les bâtiments adjacents.

- Rue Torte : doit son nom (torte : tordue, tortueuse) à son tracé légèrement en "S". La rue Torte relie le plan du Four à la rue des Huguenots. Seule rue du Cournon médiéval qui ne menait pas directement à l’extérieur du bourg.

- Ajouter à cela les impasses qui ne portaient aucun nom (en fait les impasses intra-muros sont des "bouts" d'andronne, andronne qui faisait le tour des remparts sans discontinuité et qui a été obstrué par des constructions : près de la rue du Jeu de Ballon, derrière l'actuel boucher, rue et passage du Hazard, au bout de la rue des Huguenot longeant le rempart nord et près du trou du rempart). Pendant un temps ces impasses ont porté le nom de l'un de ces habitant (Caysso par exemple).

- Il existait également 2 rues à Cournonterral qui n'ont jamais eu de nom : la première se trouvait à l'emplacement actuel de l'Hôtel de Ville (rue disparue lors de la démolition du rempart et de la construction de l'Hôtel de Ville) et reliait le plan de la Place à la rue du Plan de l'Oum. L'autre rue se situe entre la rue des Huguenots et le plan de l'Oum.

rues2En jaune : cadastre de 1845 ; en rouge : les rues périphériques ; en vert : rue sans nom


Les rues dans la périphérie immédiate des remparts


- Rue de la Chapelle : également appelée Grand'rue (suivant les périodes). Jusqu'au XVIIIe siècle, la rue de la Chapelle s'étendait de la rue du Jeu de Ballon à l'actuel temple (place André Passet) sur son chemin se trouve la chapelle des pénitents blancs (d'où le nom !). La portion comprise entre la place et la rue du Jeu de Ballon était un passage en partie obstrué par 2 tours. A noter que l'espace entre les tours s'appelait "balajun"(4) et servait de "dépotoir". Le passage a été élargi suite à la démolition de la tour d'angle (d'avec la rue du Jeu de Ballon) et de la tour de l'Horloge et à la création du chemin numéro 5(5) au début du XXe siècle. Aujourd'hui, la rue de la Chapelle est connue comme étant la "rue principale" de Cournonterral.

- Rue du Jeu de Ballon : le jeu de ballon s'exerçait dans tous les villages (contre les remparts qui offrent une bonne surface), on va pas s’éterniser dessus !

- Rue de la Mourade : une mourade est un petit ruisseau à sec qui ne coule que par périodes de pluies et abouti à une rivière ou un torrent. A Cournon, la Mourade est l'ancien fossé longeant les fortifications et qui s'écoule dans le Coulazou (par temps de pluie, la Mourade coule toujours sur toute sa largeur). Le fossé a été comblé au XVIIe siècle afin d'aménager un passage supplémentaire vers le Théron.

- Rue du Parc : aujourd'hui : rue Carnot. Le parc seigneurial est la partie en contrebas du rempart nord appelée familièrement la vigne du Parc (et non le plan Robert Granier) et la rue longeant le rempart ouest porte naturellement le nom de rue du Parc. Elle a gardé cette appellation jusqu'au début du XXe siècle. Le nom de rue du Parc a été transféré à une rue parallèle : la rue des Jasses (actuelle rue du Parc).

- Boulevard du Théron : ancienne rue du Nord (voir plus haut). Jusqu'au XVIe siècle, la rue du nord était un passage très étroit (un peu plus d'un mètre) et avait un à-pic coté nord. Peu après le milieu du XVIe siècle, un passage plus large à été aménagé avec remblais et mur de soutènement ; c'est à la même période qu'a été percé le trou du rempart et les ouvertures des rues donnant vers l'extérieur des fortifications. 


Les chemins médiévaux


On a vu les rues qui longent les fortifications mais il y a encore d'autres chemins, les chemins qui partent du village (c'est un village, pas une prison) : les chemins de ... à ...

- Le chemin de Cournonterral à Murviel : au départ du Théron, ce chemin reliait à l'origine Saint-Paul puis Aniane. Il a été appelé chemin 3 bis de Cournonterral à Murviel. Son usage est devenu inutile vers les autres agglomérations lors de la création du chemin de fer de l’intérêt Local et de la M102.

- Le chemin de Cournonterral à Antonègres : au départ de la porte des Jasses, rue Chantilly, place Camille Sallan et rue d'antonègres. Il desservait la villa seigneuriale d'Antonègres et Saint-Pargoire.

- Le chemin de Cournonterral à Cournonsec : au départ de la porte des Jasses, rue Chantilly, rue Dr Ombras. Ce chemin ne desservait que Cournonsec.

- Le chemin de Cournonterral à Montbazin : au départ de la porte des Jasses, rue Chantilly, rue Armand Daney. Ce chemin desservait Grémian et Montbazin.

- Le chemin de Cournonterral à Vic : au départ de la porte de la Place, rue de la grande Calade, rue de l'Ancienne Gare. Chemin qui relie Cournonterral aux salins des Salzeirets et Vic (voir articles précédents).

- Le chemin de Vic à Aumelas : actuelle M114. Appelé aussi chemin des Peyroules, des Peyroules à Vic. Du sud au nord : rue de l'ancienne gare, rue Dr Malabouche, place Camille Sallan, rue Aimé Tréboulon.

- Le chemin de Cournonterral à Gigean : Au départ de la porte de la Place, Grand'rue, Bellerac, Croix de Fer.

- Le chemin de Cournonterral à Saussan : également appelé chemin de Cournonterral à Montpellier. Passes (près de la station d'épuration). Ce chemin desservait également Lavérune.

- Le chemin de Cournonterral à Fabrègues : Au départ de la porte de la Place, rue de la Grande Calade, rue Clément Mirabel.

A noté qu'aucun chemin ne menait directement à Pignan (peut-être une haine ancestrale !). Il fallait emprunter le chemin de Saussan puis, au niveau de Saussan, bifurquer vers Pignan. Pour la période médiévale, seul un chemin prenait la direction de Pignan : Canteloups (au départ du Théron) qui menait à la paroisse de Sainte-Cécile. La paroisse marquait la limite des 2 villages et le chemin s'arrétait là. La fin de la discontinuité du chemin entre Sainte-Cécile et Pignan a eu lieu lors de la construction du chemin de fer de l’intérêt Local au XIXe siècle. Pour la période antique, une route gauloise passait par les 2 agglomérations (on n'est pas si tétus que ça en fait !).

rues3Plan des chemins médiévaux vers les autres agglomérations. En rouge : l'ensemble castral de Cournonterral.

(1)A prendre avec nuance : Dans les compoix, les noms des rues ne sont que très rarement cités (faut chercher minutieusement pour tomber dessus). Dans ces registres, les propriétés sont nommées par leur situation géographique vis-à-vis du voisinage. Je m'explique : Les points cardinaux n'étant pas utilisés, les nord, est, sud et ouest sont remplacés par les termes de (dans l'ordre) terral, grec, marin et garbin ; termes qui nomment les vents. Donc, par exemple la maison de "x" est de garbin la maison de "y", de grec la manse de "z" et de marin la rue (qui elle, rappelons-le, n'est que très rarement nommée). A lire comme cela, il est très difficile aujourd'hui de dresser un plan à partir des compoix (voir impossible, on a essayé, on s'y est cassé les dents !). Ceci-dit, il est tout à fait probable que les compoix étaient accompagnés d'un plan ; il en reste un (partiellement) du nord Cournonterralais conservé à la mairie.

(2)Dans le cadastre Napoléonien de 1818/1819, les lieux-dits en garrigue sont nommés ainsi, par ordre alphabétique et dans l'écriture du document : Aires, Balat (Valat) de las Masques, Barthe, Baumette, Baux, Beaulieu, Bel Air, Bellerac, Billière, Bouillès, Bruyère, Cabrouliès, Cambon, Camp Nègre, Cannabe, Canitau, Cante-Loups, Capdalliech, Carrachs, Cazalis, Champ de la Chapelle, Champ de Vidal, Cimetière (Grand-Rue), Cinquet, Clas, Condamines, Coste Belle, Coste des Cormiers, Crès, Cresse, Cresse de la Barthe, Croix de Fer, Devèzes, Devois des Agnaux, Féraillès, Fertalières, Fond du Pontel, Fontaine du Renard, Fontanilles, Font Sauret, Fournas, Frigoulet, Garrigue Plane, Grande Combe, Grand Jardin, Grave, Grés, Horts, Hubaths, Jasses, Joncasses, Loun, Mairè, Manavielle, Mas de Blange, Mas de Chaumot, Mas de Cornut, Mas de Crespine, Mas de Paillas, Maurel, Matte, Moulin de Laude, Moullières, Olivette, Parc, Passes, Patary, Peyroules, Peyroules Basses, Pioch, Pioch Rédon, Pisse-Saumes, Plan de Maurel, Pontel, Prélong, Puits de l'Avent, Ramassol, Régladous, Réserve, Rieutort, Sainte-Cécile, Saint-Julien, Tarrissou, Terrasse, Touâts, Treilles, Triviale, Truc d'Agnac, Tuilerie (haute), Vignasse, Viguière.

(3)A titre d'exemple: la première maison commune de la famille Trois-Loups située entre la Mourade et la Grand-rue (à proximité de l'ancien cimetière).

(4)Balajun (prononcé balayun) est l'endroit où l'on entrepose les balayures, restes, dépôts qui serviront (après fermentation) d'engrais dans les champs.

(5)Le chemin numéro 5 est l'ancien nom de la nationale 5. Aujourd'hui le chemin numéro 5 ne passe plus au centre du village et a été dévié (l'actuel périphérique). Il porte aujourd'hui le nom de Métropolitaine 5 ou M5.


Tout cela c'est bien mais quoique très étroites, cabossées, tortueuses et pas très pratiques les rues de Cournonterral étaient très animées mais ça, se sera une autre histoire ...


En attendant :

Grand Corps Malade

Chemins de traverse

22 août 2020

LE PAILLASSOU

A Cournon, le pailhasse n'est pas celui que l'on croit. Pailhasse n'est pas l'individu (qui se roule dans la lie le jour des cendres) mais le mannequin de paille suspendu à l'épiphanie, autrement appelé "l'épouvantail", "homme" ou "Roi de paille" ou encore "Roi carnaval". Aujourd'hui, à Cournonterral, il est appelé (à tort) "pépette". Mais d'où vient le pailhasse ?

2010 021AFAMAT accompagné de PECAIRE en 2010


Le PAILLASSOU


Le Roi de paille est suspendu (à Cournonterral) au balcon de l'Hôtel de ville (autrefois aux balcon des bars, cafés, cabarets ...) le jour de l'épiphanie. Sur son torse est accrochée une pancarte portant son nom écrit en occitan. Le Roi de paille est représentatif des choses négatives qui sont arrivées durant l'an passé. Traditionnellement, le roi c'est pailhasse et lui tout seul (depuis quelques décennies il est accompagné du blanc mais on verra cela un peu plus bas). Le soir des cendres, il sera jugé puis brûlé sur la place publique.


Déjà, il vient d'où ce truc ?


Au XVIe siècle, l'utilisation du mannequin de paille se généralise. Pourquoi un mannequin de paille ? Peut-être pour remplacer une véritable personne de chair et d'os : Dans l'antique Babylone, lors des Sacées, un condamné à mort était choisi. Il lui était donné accès à tous ses désirs puis était amené au supplice*. Lors des Saturnales, les citoyens se choisissent un roi. Pour les Petites Dionysies, le phallophore, barbouillé de lie-de-vin (tien, tien !) mène le cortège. Pour la fête des Fous, un évêque ou un pape des fous est élu ; les "prêtres", qui le suivent, sont barbouillés de lie-de-vin (bigre !!!). Etc ...**

* D'après l'Encyclopédie de Diderot (1765)

** Dans un prochain article, on verra ce qui a pu influencer la fête des pailhasses de Cournonterral et les fêtes que les pailhasses ont influencé.


Le Pailhasse de Cournonterral


Pourquoi il est appelé pailhasse d'abord ? Le nom vient simplement de la paille. Le nom de pailhasse signifie simplement l'homme de paille ; il peut d'ailleurs encore être appelé l'Empalhat (l'empaillé). Le terme s'écrit Paillasse en français, Pailhasse ou Paillassou en Franco-Oc, Palhaço (prononcé paillassou) ou Palhas en Oc ... Il existe d'autres orthographes mais on va pas s'éterniser dessus.

L'usage du Roi de paille (et du paillasse plus précisément) n'est pas exclusif à Cournonterral (et là, ton monde s'écroule !). Le Palhaço le plus connu est celui de Nice. Depuis, au moins, le XVIIIe siècle les niçois font sauter le paillassou : plusieurs personnes tiennent tendu une toile sur laquelle ils font sauter le mannequin de paille dans les airs.

Sur l'illustration suivante de Édouard-Antoine Marsal (1845-1929) appelée "Las Aurelhetas" (ça non plus c'est pas unique à Cournonterral !), l'artiste a illustré une scéne du carnaval à Montpellier, d'après ses mémoires, fin du XIXe siècle et en zoomant sur le coin droit de l'illustration, l'on apperçoit le paillasse envoyé dans les airs, à l'aide d'une toile tendue, par un groupe de personnes portant chapeau pointu. Exactement comme cela se fait à Nice.

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A Poussan, depuis quelques années, est jugé le paillasse ; alors qu'en 1902 ils avaient encore une cour coculaire (cour coculèra) qui jugeait JACOU. Même s'il porte aujourd'hui le nom de paillasse, le Roi de paille de Poussan se présente sous un aspect différent qu'à Cournon.

 Jugement de paillasse à Poussan, 2020.


 Le cheminement du Pailhasse de Cournonterral


Le pailhasse est généralement confectionné la veille dans la plus grande discrétion. Il porte tous les attribus des Pailhasses que l'on retrouvera le mercredi des cendres dans la rue. Les plaques, portant les noms en Oc, sont dissimulées et ne seront découvertes que quand les mannequins seront suspendus (en théorie). J'ai de nombreux films montrant la confection des mannequins mais ceux-ci resteront dans les archives (faut se garder quelques secrets quand même !).

D'abord simple mannequin de paille fabriqué avec les "moyens du bord", le Pailhasse a prit différents aspects : habits usés disponibles limitant le choix, manquement dans les accessoires, etc ... A titre d'exemple, L. BOUDE le représente en 1927 accroché à la terrasse du café PONS, chapeau mou sur la tête, pantalon usé et simple sacque renversée sur la poitrine, tenant dans les mains des outils. (lampe + système d'allumage ?).

Balade des mannequins Afamat et Pecaire dans les rues du village avant la pendaison à l'Hôtel de ville

Bracejaire et Pipaire sur les marches de leur lieu de pendaison, 2011

Une fois suspendus, les mannequins resteront siéger au balcon pour toute la durée de carnaval. Ils ne seront descendus qu'à l'occasion pour accompagner les fougassets, voire pour les bals et pour le mercredi des cendres.

Du point de vue des mannequins ...

Durant tout le carnaval, les mannequins joueront le role "d'acteurs/spectateurs" jusqu'au soir des cendres ...

Au départ du chemin qui mène vers le bucher

Le soir des cendres, les mannequins seront brûlés (ou cramés comme l'on dit ici) sur la place publique après que le jugement soit rendu.

Complainte de Panurge, 2009

Pailhasses2004Crémation de Bastide, 2004


Les mannequins dans l'Histoire de Cournonterral


La plus ancienne trace écrite (et mémorielle) du mannequin de paille à Cournonterral date de 1906 ou 1907 : le Pailhasse Boiteux (ou Esclòp). Celui-ci est à l'effigie de Georges Clémenceau. Si aujourd'hui de nombreux établissements et rues portent le nom de Clémenceau, au début du XXe siècle il n'était pas en odeur de sainteté dans la région (et ailleurs aussi !). Sa politique agricole hasardeuse (portant principalement sur la viticulture dans la région) mènera aux manifestations à grande échelle dont celle menée par Marcelin Albert à Montpellier. La viticulture représente la plus grosse "industrie" Cournonterralaise et les gens du village, lésés, prendront une part très active à cette manifestation. A noter que les Cournonterralais sont déjà à l'origine d'une manifestation précédente, de grande envergure et pour les mêmes griefs, menée en décembre 1893.

-En 1911, le pailhasse est TRACASSIÈ (celui qui fait du tracas). Il est le premier connu façonné tel que le pailhasse d'aujourd'hui*. Durant la grande guerre, les festivités stoppent et à leur reprise en 1919, le pailhasse porte le nom de LOU KAIZER (l'empereur GUILLAUME II) ; en 1920, la chanson "l'Entrada dau Carnaval" est écrite sur le thème de la guerre*.

-Si chaque café organise son propre carnaval, pend et brûle son propre pailhasse devant sa porte, en 1920 QUIQUOU et QUIQUETTE sont deux à être suspendus au balcon de la Philharmonique. Suite à l'initiative du patron du café (en rapport aux Estienou et Estiennette de Pézenas) et pour la première fois de l'histoire un mannequin représentant un blanc (Quiquette) est confectionné.

- En 1930, SANS QUIOR (Sans Argent) représente Marthe Hanau responsable d'un gros scandale financier*. Suit en 1938 BOURRACOURT (Celui qui chamboule tout) considéré comme le responsable d'une gelée tardive qui a contrarié la production du vin.

- Durant la seconde guerre mondiale, les festivités marquent une nouvelle fois un temps d'arrêt (même si certains ont pu prétendre le contraire) et reprennent dès la fin du conflit.

- En 1951 le pailhasse est nommé COURTET en rapport à la courte durée de la période carnavalesque de cette année (qui aura duré du 6 janvier au 7 février).

- En 1963 est créé le groupe carnavalesque de Cournonterral "les pailhasses". A cette occasion la légende écrite par Pompilius Bastide de l'Oulieu refait surface et PAILHAS et ERMENIARS sont suspendus aux balcons des cafés. Pour la seconde fois de l'histoire, un mannequin (Erméniars) représente un blanc. Le mannequin Pailhas est dérobé le dernier jour de carnaval et cela entrainera une grosse polémique dans le village.

- En 1966 est pendu SECADA (Sécheresse). Il lui suit RASTACOERE en 1967 (en rapport à un secrétaire de la mairie) puis COULADAS en 1968 (pour le journal "Le COULAZOU"), et enfin AGUA QUIEN en 1969 (qui sera "rebaptisé" par la suite : SANS UN).

- En 1970 la grippe a sévit et GRIPPA trone sur son balcon. Le carnaval est, cette année, peu suivit et en référence, en 1971, RENIAT (le Reniè) succède à Grippa. Le carnaval de 1971 étant, malgré le nom de Renié, bien fréquenté, RENOUBEL (le Renouveau) siège à son tour en 1972.

- En 1973, voilà 10 ans que le groupe carnavalesque a été créé et les polémiques vont bon train : CRITIQUAT (le Critiqué) fait mention entre les tenants de la tradition et les opposants. En 1974 PETROLAIDE est symbolique de la crise de l'énergie qui traverse le pays (en France on n'a pas de pétrole mais on a des idées ...).

- Dorénavant, dès 1975, deux mannequins, l'un représentant le paillhasse et l'autre le blanc, seront confectionnés afin "d'arranger" les bars du village. Les mannequins navigueront tour à tour et d'année en année au différents balcons des 3 cafés. Pour cette première, MAUCOUNTENT (pailhasse) et SANS UN (Mécontent et Sans Argent) ouvrent le bal (LOU MEDAILLAT suggéré pour Pailhasse en référence à un membre du comité des fêtes). POUBELLA (pailhasse) et TAXA (en rapport aux taxes sur les ordures ménagères) leur succèdent en 1976. Le blanc est nommé afin de rendre plus "explicite" le nom de pailhasse.

- Une autre polémique récurrente est celle du bon ou mauvais occitan utilisé (le plus souvent sur la forme d'écriture utilisée : écrit de la façon "qu'on le prononce" ou de la "façon littéraire") ainsi en 1977 MARI PEU est renommé DEGRINGOLES (pailhasse) et MAU BARRAT renommé MAOU ATCHEDAT (Mauvais Poil puis Dégringole, Mal Barré puis Mal aidé).

-1978 PYLOUNAT (pailhasse) et HAUTE TENSIOUN (Pylône et Haute tension).
-1982 BALLONAS (pailhasse) et JOGAIRE (Joueur de Ballon(s)).
-1984 ESCANAIRE (pailhasse) et PETARAS (l'Étrangleur et le Casseur).
-1987 VOL TOT GARDAR (pailhasse) et ? (Veut tout garder).
-1993 AMUSA-TE (pailhasse) et ? (Amuse-toi). Le nom de ce dernier sera sujet à polémique (traditionnellement le nom du pailhasse représente quelque chose de négatif) et sera du sujet de la complainte de cette même année.
-1994 MARCA MAOU (pailhasse) et SE PASSECHAT (Celui qui tourne mal et Ce qui se passera).
-1995 PAGAT L'AIGUAT (pailhasse) et DERNIE CROUSTET (Trop d'Eau et Dernier Croûton).
-1996 FASEZT CAGA (pailhasse) et ? (Vous faites Chier).
-1998 MANTAPAT (pailhasse) et SIEIL FOUTEUT.
-1999 SAQUECHAT (pailhasse) et ? (Celui qui Secoue, Bouscule).
-2000 AGGLOMERATION (pailhasse) et PAGARAS (Agglomération et Payera).
-2001 MILLENAIRE (pailhasse) et ELECTIOUN (Millénaire et Élection).
-2002 NIAPROU (pailhasse) et OUSTAL (Il y en a assez et Maison) en rapport à la démographie grandissante.
-2003 ARRIVARA PAS (pailhasse) et ARRIVARA (Arrivera pas et Arrivera).
-2004 BASTIDE (pailhasse) et TANDEMARGAT (pour Georges Bastide en rapport à l'école laïque).
-2005 ESCOBILHAS (pailhasse) et PATISSEM (Ordures et Nous pâtissons) en rapport aux taxes sur les ordures ménagères (voir 1975).
-2006 MARCELIN (pailhasse) et REVISCOLA-TE (Marcelin, Relèves-toi. Voir 1907).
-2007 PROUMESSAS (pailhasse) et MESSOURGAS (Promesses et Mensonges).
-2008 PACHACA (pailhasse) et TOCAMANETAS (Celui qui fait des cancans et Celui qui touche les mains ; en rapport aux futures élections communales).
-2009 PANURGE (pailhasse) et BARRA LA (Panurge et Tais-toi).
-2010 AFAMAT (pailhasse) et PECAIRE (l'Affamé et Peuchère).
-2011 BRACEJAIRE (pailhasse) et PIPAIRE (Celui qui brasse de l'air et Celui qui gobe tout). A noter que Pipaire a été traduit par une journaliste du Midi Libre de cette année : celui qui fait des pipes (!). Mais la traduction est bien celle entre parenthèses. Ceci dit, à la lecture du journal, c'est une bonne surprise de carnaval !

pendaison 015Bracejaire et Pipaire au balcon de l'Hôtel de ville en 2011

-2012 ESPINCHAIRE (pailhasse) (Le lorgneur). En souvenir où le pailhasse était seul, le blanc de cette année ne porte pas de nom mais seulement une pancarte où est illustré un oeil.
-2013 WWW.DEGUN ! (pailhasse) et PAS.RES.COM ? (www.Personne ! et Rien.com ?).
-2014 LENGA de PELHA (pailhasse) et TAISA-TE (Langue de peille et Tais-toi).
-2015 ENAIGAT (pailhasse) et BETON (l'Ennoyé et Béton suite aux précipitations et crue record du Coulazou).
-2016 JAN-FOUTRE (pailhasse) et I A PAS UN CAT (En souvenir de carnaval et du 14 juillet 2015 ; carnaval très peu fréquenté et personne pour le 14 juillet).
-2017 ABORDIT (pailhasse) et VILATGE (Corrompu et Village).
-2018 PROMESSAS (pailhasse) et PARACHUTAIRES (Promesses et Parachuteurs (?)).
-2019 ARISTOC (pailhasse) et MANJA MECA (Aristo (en toc ?) et Mange Morve).
-2020 BASTA (pailhasse) et COMBINAS (Ça suffit et les Combines).

Cette liste n'est pas exhaustive, il reste des noms que je n'ai pas pu ranger par année : les blancs PATCHES et TRISTA MINA (Triste Mine) et les pailhasses COUPA GUEULA (Casse Gueule), DOUTA (Doute) et TROMPAIRE (le Trompeur), LOU CASTEL DAU RUGBY et LOU CASTEL DAU FOOTBALL ...

* Voir le premier article du blog : UNE COMPLAINTE, la petite histoire.


Quand à cette année 2021 ...


1612681051717Cause de la crise : pailhasse est anonyme et par la pression des autorités a été accroché durant la nuit après minuit. Il est seul, "à l'ancienne", et le blanc ne l'accompagne pas cette année. Les quelques badauds venus le voir le matin du dimanche de l'épiphanie se sont fait disperser par les gens d'arme ; Pour certains, venir voir le pailhasse comme de coutume est "une chose extrêmement grave" ! Certains sont pour, contre, voudraient oublier tout cela mais pailhasse a au moins le mérite d'être présent et de trôner à l'Hôtel de ville. Le symbole est là et il est là l'essentiel. Pailhasse est l'anonyme qui surveille un carnaval inexistant. S'il ne porte pas de nom, à chacun d'y en trouver un. Les sobriquets qui résument une année 2020 minable et tous les événements qui l'ont jalonné ne manquent pas. Quand à savoir si le 17 février prochain les pailhasses seront aussi inexistants, ou seront des fantômes qui reviennent du passé ... l'avenir nous le dira !


Pour l'Epiphanie de 2022, le pailhasse et le blanc sont revenus au balcon de l'Hôtel de ville. Lou Masc, le sorcier ou le Mandrake cournonterralais accompagné de son bilan et/ou de ses actes trônent à nouveau sur la place du village :

-2022 MAGICIAN (pailhasse) et BILANC (le Magicien et Bilan).

-2023 LO GAL (pailhasse) et DEL TROPEL (le Coq du Troupeau).

-2024 PREVOT (pailhasse) et PEC (le Prévôt et l'Idiot ?).


A Cournonterral il existe encore d'autres petits bonshommes de paille mais ça, ce sera une autre histoire !

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Et pour finir :

Le mix de Trust et de Suprême NTM - Antisocial, Qu'est-ce qu'on attend

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21 juin 2020

L'HISTOIRE MEDIEVALE, partie 4 : les remparts du XIVe siècle

LES REMPARTS DU XIVe SIECLE


Oui, on commence par la fin, avant le XIVe siècle il y avait déjà des remparts à Cournonterral mais on verra cela plus tard ...

Seconde moitié du XIVe siècle : après un siècle de disette, d'intempéries, de grandes épidémies et suite aux assauts menés par les compagnies de routiers de 1362 (ceux-ci continuent de piller çà et là les paysans et les faubourgs) la situation est très tendue, pas seulement à Cournonterral mais dans tout le royaume. En 1376, les gens de la communauté se plaignent de ne plus pouvoir se retirer à l'abri dans les vieux remparts, ceux-ci étant trop étroits pour pouvoir abriter toute la population. De même, les bêtes ne pouvant s'y réduire, sont laissées à l'abandon à l'extérieur des murailles et sont exposées à l'assaut "des courses des gens de guerres" (c'est à dire des raids des routiers). En cette même année de 1376, la communauté demande à ce que la muraille neuve soit élevée de 2 mètres* en rapport à l'ancienne muraille, que des portails soient construits aux entrées et qu'au milieu de ceux-ci soit élevée une muraille avec au devant de celle-ci une pile de parpaing pour en renforcer la défense. Devant chaque portail, soit construite une barbacane ou meurtrière de 3 mètres de haut et d'1 mètre d'épaisseur en y mettant des barrières épaisses d'1/2 mètre et de la hauteur de la barbacane. Enfin, est demandée la construction d'une nouvelle rampe entre l'église et la Passadella (voir article : L'HISTOIRE MEDIEVALE, partie 1 : Au début ...).

*Les mesures originales sont en canne (1,987 mètre) et en pan (1/8 de la canne soit : 24,837 centimètres), converties (arrondies) en mètres actuels pour une meilleure compréhension du texte et une meilleure estimation "à vue d'oeil".

C'est Pierre de Murles (de Montlaur) qui est désigné pour diriger les opérations des futures constructions. On ne sait pas exactement quand celles-ci débutent ; la construction d'une muraille (et de toutes les défenses attenantes) longue de plus de 565 mètres et cerclant le faubourg de Cournonterral demande réflexion, tant sur la construction que sur les démolitions nécessaires à son édification ... sans parler des finances.

Les demandes ne sont pas toutes suivies à la lettre et à son achèvement (du moins sur ce qui est construit à la fin du XIVe siècle) le rempart ressemble à ce que l'on voit sur l'image suivante :

remparts 14En jaune : cadastre actuel ; Traits noirs : murs, portes et tours construits fin XIVe siècle ; Ronds noirs : tourelles héxagonales du XIVe siècle.


Et en 3D, ça donne ça :


Créé avec Sketchup : https://www.sketchup.com/plans-and-pricing/sketchup-free


! Les reliefs du terrain ne sont pas représentés !


Vue générale

corn1En brun : habitations ; En gris clair : vestiges du XIIe siècle et église romane du début du XIVe siècle ; en gris foncé : constructions de la fin du XIVe siècle ; En bleu clair : les portes ; en Bleu foncé : Tourelles héxagonales et corps de garde ; En pourpre : caves antiques.


Vue depuis le Parc

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Vue depuis la rue Carnot

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Vue depuis la rue du Jeu de Ballon

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Vue depuis la rue de la Chapelle

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Vue depuis la rue de la Mourade

corn2Visible sur cette dernière vue, il reste une zone "blanche", on en parlera plus tard.

Il faut quand même savoir que le chantier ne s'est pas déroulé comme une lettre à la poste. Déjà, même si les gens voulaient être bien protégés à l'abris des murs, dans la vie de tous les jours les fortifications représentent de véritables contraintes. La principale est que le rempart a été construit pour englober des habitations déjà présentes et la libre circulation des gens s'en trouve très réduite. Si avant la construction, de multiples passages** donnent accès vers l'extérieur, dorénavant, seules 2 portes (portes de la Place et des Jasses*** dont le passage est étroit et réglementé) rendent cet office. A noter qu'il y a une troisième porte donnant accès au bourg : la porte de la Réjolle (ré-aménagée au XIVe siècle). Par le passé, l'ancien rempart avait déjà connu des "mésaventures" suite au problème cité précédemment : une partie de celui-ci a été démolie ainsi que quelques habitations (de préférence quand les habitants n'étaient pas présents !).

**Au moins 9 passages dont 2 situés à la rue des Huguenots, 1 à la rue Torte, 1 au plan du Four, 2 à la rue Dressière, 1 à la rue du Puits de la Place, 1 au plan de la Place (actuel plan de la Bibliothèque) et 1 au plan de l'Oum.

***Appelées également portes du Levant et du Couchant.


DANS LE DETAIL


1-Les murs sont constitués de 2 murs dont l'espace est comblé de "tout venant". Ils sont construits en pierre froide excepté les endroits "sensibles" (arrêtes, meurtrières, portes ...) qui sont en calcaire coquillier (ce qui rend ces parties bien plus résistantes, on ne peut pas les briser d'un simple choc). Un andronne, d'1m25 minimum de large, longe tout le pourtour intérieur sans encombre afin de laisser la place pour manoeuvrer les arbalètes (celles-ci sont des arbalètes à manivelle amovible de réarmement). 2 meurtrières sont aménagées entre chaque tours, 3 entre les tours et les portes. Des escaliers sont aménagé dans la masse du mur afin d'atteindre le chemin de ronde et le dessus des tours (le haut des tours n'est accessible que par le chemin de ronde). Le haut des murs est constitué de merlons  et de créneaux (d'à peu prés 5m d'écart). Aucun signe de support de structure en bois n'est visible sur les murs restants.

10000Mur nord du rempart

IMG_7180Intérieur d'une meurtrière située dans l'andronne près de la rue Carnot

2-Les tours sont ouvertes (depuis l'andronne) à leur base et chaque mur est pourvu d'une meurtrière. Les tours d'angle ont 4 meurtrières (sauf la tour de Bevaud, située à l'angle de la rue du Jeu de Ballon et la rue de la Chapelle qui n'en a que 3) et les tours flaquantes 3 meurtrières, toutes accéssibles par l'andronne.

IMG_3711Tour du Parc

3-Les portes : la porte de la Réjolle (doublée en amont par la porte du Théron) est réaménagée fin du XIVe siècle pour la construction du rempart définitif, il en reste des vestiges rue Fournier. 2 nouvelles portes sont construites : du Couchant (porte des Jasses ou du plan du Four) et du Levant (porte du plan de la Place). Les portes donnent toutes sur une place intérieure (plan de l'Oum, du Four, de la Place). Les portes sont pourvues sur leurs faces latérales de meurtrières. Le reste de leur systéme défensif est inconnu. La porte du Levant est construite en "extérieur, ce qui constitue une pseudo-tour supplémentaire et la tour du Couchant est construite en intra-muros (le relief de la place actuelle était à 1M au dessus du niveau actuel).

IMG_3724Mur latéral de la porte du Couchant

4-La barbacane : 1 seule barbacane a été construite et était constituée d'une tour (dite du Théron), de rampes et d'un mur longeant les rampes de la tour du Théron à la tour Passadella.

5-Les tourelles héxagonales : sans le renfort des barbacanes, des tourelles héxagonales sont construites intra-muros. Elles comportes toutes un corps de garde et c'est de là que partaient les rondes.

IMG_4561Restes de la tourelle du Plan du Four

Tout n'est que le rempart définitif construit à la fin du XIVe siècle. Sur l'image 3D, plus haut, "vue depuis la rue de la Mourade" il reste une zone "blanche" dont on parlera dans le prochain article afin d'éclaircir les choses sur le rempart primitif du XIIe siècle et du château ... et d'autres choses ...


EN ATTENDANT :

 


Castles Made of Sand de JIMI HENDRIX

31 mars 2020

Balade dans le COULAZOU

Au IVe siècle de notre ère Rufus Festus Avienus, poète latin, dédie un poème à son ami Probus. Ce poème, qui retrace un périple le long des côtes maritimes, est une compilation d'écrits plus anciens. Aujourd'hui nous connaissons ce texte sous le nom de ORA MARITIMA (les rivages maritimes) ...

On va laisser, pour le moment, les écrits et faire une petite balade dans le Coulazou, du Théron aux Olivettes ...


Quelques images


IMG_20200331_140639Fossile d'amonite dans le lit du Coulazou

IMG_20200331_145336L'Aven

IMG_20200331_145858Autour de l'Aven

IMG_20200331_145901Autour de l'Aven

IMG_20200331_150918Près des Olivettes

IMG_20200331_151349Depuis les Olivettes

IMG_20200331_151352Depuis les Olivettes

IMG_20200331_165114Sur le chemin du retour


Et pour finir :

Bruce Springsteen The River

28 février 2020

L'HISTOIRE MEDIEVALE, partie 3 : les seigneurs et la guerre

L'un des rôles prépondérant des seigneurs est celui de "MILITES" qu'on pourrait comparer aujourd'hui au terme de "militaire". Les seigneurs de Cournon sont élevés dès leur plus jeune âge aux disciplines guerrières. Durant les 4 siècles que couvrent les cartulaires méridionaux, on a quelques témoignages des conflits auxquels ils ont participé et parfois du caractère belliqueux dont ils faisaient preuve.


Pour en savoir un peu plus : l'aristocratie méridionale autour de 1100 de Hélène Débax


OTHON de CORNON


Le premier dont on a le témoignage sur ses faits de guerre est OTHON DE CORNON que l'on a surnommé "le croisé"* dans l'article précédent pour le différencier des autres Othon.

*le croisé parce qu'il s'est engagé dans la première croisade, faut pas chercher plus loin !

Depuis quelques décennies, les accès menant vers la Terre sainte sont fermés par les turcs Seldjoukides et donc, le pape Urbain II (et accessoirement aux suppliques de l'empereur byzantin, Alexis Ier Comnène) lance le 27 novembre 1095 l'appel de Clermont à libérer la Terre sainte. Urbain II est tellement convaincant qu'une première vague de départ est effectuée par des paysans le 12 avril 1096, c'est ce qu'on appelle la Croisade populaire. Partis à plus de 40 000 d'Europe de l'ouest et d'Arménie, ils sont menés par Gautier Sans-Avoir et Pierre l'Hermite. Cette première vague, désorganisée, se fera exterminée (presque jusqu'au dernier) par les turcs près de Nicée (aujourd'hui Iznik en Turquie. Partir la fleur au fusil en espérant une intervention divine, ça marche pas !).

Croisade populaire

Pour en savoir un peu plus sur la Croisade populaire

Lien vers wikipedia

Parallèlement, les Germains partent en croisade. N'ayant pas de plan bien défini, il stationnent en Hongrie et commettent quelques "exactions". Excédés les hongrois les écrasent à Mosonmagyaróvár (en Hongrie). De là, démarre la Croisade des barons le 15 août 1096 et là, ça va moins rigoler pour les forces d'en face. Mais comme on fait pas un cour sur la 1ère Croisade :

Première croisade

Pour en savoir un peu plus sur la première Croisade

Parmis ces croisés se trouve Raymond IV de Toulouse (ou de Saint-Gilles) qui commande l'une des 4 armées, celle des Provençaux (ou des Méridionaux). Raymond IV est un guerrier confirmé (il a participé à la Reconquista) et sous sa bannière se rallie, entre autre, Guilhem V de Montpellier ; ce dernier est à son tour suivi par quelques seigneurs locaux dont : Guillaume Raymond et Raymond Gaucelin (peut-être de Lunel), Pons et Bernard de Montlaur, Guillaume de Fabrègues, Eléazar de Montredon, Pierre Bernard de Montagnac, Guillaume Arnaud, Othon de Cornon, Guillaume Bertrand et Eléazar de Castries**. Ces derniers participeront aux batailles (entre autres) de Nicée (16 mai 1097), Dorylée (près de Eskişehir en Turquie où ils secourent l'armée Nomande en juillet 1097), Antioche (20 octobre 1097), Tripoli (dans l'actuel Liban), Maarat (11 décembre 1098) ... jusqu'à la prise de Jérusalem (15 juillet 1099). Si certains seigneurs restent en place, dès la fin de la prise de Jérusalem, (mission accomplie) Othon retourne dans son fief de Cournonterral comme l'atteste un acte de décembre 1099.

**A noter que parmi ces noms, l'on retrouve Montagnac et Montlaur. Les 2 familles seront co-seigneurs de Cournon à partir du XIIe siècle.

D'après Charles d'Aigrefeuille (donc, à prendre avec des "pincettes", à l'image de sa "muse" : l'évêque Arnaud de Verdale) dans son recueil "Histoire de la ville de Montpellier" Vol. 2, il est dit :

"En 1114. Guillaume de Cornon fils de Guillaume Raymond Gaucelin(a) voulant aller visiter le Saint-Sépulcre, engagea pour subvenir aux frais de son voyage, la quatrième partie du bois d'Aresquiers(b) aux chanoines de Maguelone(c) ; et s'étant avantageusement établi dans la Palestine, il écrivit, de la Ville d'Acre, à Otton de Cornon son cousin(d), de laisser jouir l'église de Maguelone de tout ce qui lui avait engagé, à laquelle il transporte tout le droit qu'il pourrait y avoir. Dans cette même lettre que nous avons, où il invite son cousin à faire le voyage de la Terre Sainte (en lui offrant, quand il y serait, de lui faire part de sa bonne fortune) il fait mention de Guillaume de Montpellier, qu'il appelle son seigneur(e), et de Dalmas de Castries."

Cette fameuse lettre n'ayant été visualisée que par Aigrefeuille, cet acte mérite critique comme suit :

a) Guillaume de Cornon est, en fait, le fils d'Othon de Cornon (le croisé) et non pas celui de Guillaume Raymond Gaucelin (nom "inventé" par Aigrefeuille, celui-ci est une contraction de Guillaume Raymond et Raymond Gaucelin, compagnons d'Othon en croisade).

b) En fait, une hypothèque sur un 8ème de l'exploitation des Aresquiers et des Salzeirets (bois, pèche ...), 8ème partie qui ne sera cédée définitivement à l'évêque de Maguelone qu'en 1140 par le fils de Guillaume, lui même dénommé Guillaume. Entre temps, les Aresquiers et les Salzeirets seront administrés par Pierre de Cornon (autre fils d'Othon le croisé).

c) L'évêque de Maguelone Gautier de Lille. Celui-ci profite de la situation de l'après-croisade pour acquérir les terres limitrophes à Maguelone (voir le cartulaire de Maguelone entre autres pour voir les acquisitions de l'évêché ... il garde la tète froide l'évêque !)

d) Othon de Grémian fils d'autre Othon de Grémian (voir article précédent).

e) Guillaume de Cornon (Terral) n'était pas vassal de Guillaume de Montpellier.

D'après Alexandre Germain (et d'après les archives !), Guillaume n'aurait fait qu'un simple voyage en Terre sainte pour aller visiter le Saint Sépulcre. Guillaume, son fils (cité juste un peu plus haut, petit b) après une vie maritale conventionnelle s'engagera dans l'Ordre du Temple en l'an 1145.


Bien que la croisade soit le seul fait de guerre connu des Cornon, il n'est pas unique, loin de là. Les Cornon sont très souvent cités "milites" à l'image de Rostang et Richard au XIIe siècle, Philippe ou Bérenger (XIIIe siècle) et ce jusqu'au dernier : Guillaume de Cournonterral au XIVe siècle. Durant tout ce temps, les seigneurs sont souvent cités comme étant partis en guerre ... que ce soit pour le Roi de France ou pour d'autres. Le dernier, Guillaume de Cournonterral, décédera entre les ans 1346 et 1348 (à l'age de 42 ou 43 ans). On ne sait pas si c'est de maladie, de vieillesse ou sur un champ de bataille (il s'était engagé à aller combattre pour le roi de France au nord du pays peu avant).

Ajouté à tout cela, les seigneurs de Cournon rendaient une albergue annuelle de 4 chevaliers (formés, équipés et financés par eux même) à l'évêque de Maguelone. L'albergue rendue à l'évêque continuera à lui être octroyée et les seigneurs qui succèdent aux Cornon continueront d'être des "milites".***

*** Répartis suivant les possessions seigneuriales soit : 2 chevaliers pour Cornon, 1 pour Montlaur et 1 pour Montagnac.

Battle_of_crecy_froissartLa bataille de Crécy, chroniques de Froissart


Bon tous ça, c'est bien joli, très chevaleresque mais on va revenir sur le fait que les seigneurs étaient éduqués pour batailler et que de temps à autre, quand c'était trop calme, ils aimaient bien aller mettre des pavés sur la gueule aux voisins et on en a un beau spécimen avec :


PIERRE de CORNON


Pierre a vécu au XIVe siècle, il est le fils d'Othon de Cournonterral (le 5ème, dernier du nom) et frère cadet de Guillaume de Cournonterral. La guerre de cent ans n'a pas encore débuté et le petit Pierre s'ennuie ferme. D'un caractère plutôt pète-sec, Pierre aime bien rendre visite à ses voisins, histoire de leur coller quelques tartes bien placées. Sa devise est "Si vis pacem, para bellum", "Si tu veux la paix, prépare la guerre", mais bon, Pierre s'en fout un peu de la paix. Pour un regard de travers, quelques centimes manquants sur la note et Pierre sort l'artillerie lourde (et ce n'est pas un doux euphémisme) !

Pierre était déjà connu pour avoir mené une opération punitive à Saussan, accompagné de son père Othon et de son frère Guillaume, mais son "coup d'éclat" eu lieu à Poussan :

On ne sait pas exactement comment l'histoire a débuté mais Pierre-Raymond de Poussan a osé marcher sur les godasses de Pierre. On est le 22 juin 1330, depuis hier c'est l'été et Pierre est au coeur d'une enquète menée contre lui. Dans le courant de ce beau mois de juin, Pierre rameute quelques copains (Guillaume Budi, prieur de Saint-Paul-de-Montcalm qui est un peu le frère Tuck de Pierre, Jacob de Mauguio, Raymond Budi, Guillaume de Coffinhac, Rostand Budi, Jean Boeri de Poussan et quelques autres dont l'histoire à perdu le nom) pour aller faire une petite balade champêtre prés de Poussan. Bien sûr quand on rend visite aux voisins, on ne vient pas les mains vides : frondes à billes de plomb, arbalètes, lances, glaives et autres petites choses sympathiques sont de la partie.

Pour s'échauffer, la troupe s'attaque à la manse de Tarnenco. Ils défoncent la porte de la manse pour y pénétrer et défoncent également les portes d'une chapelle où s'était réfugié Pierre-Raymond pour lui coller quelques coups de glaive bien placés afin de le calmer de sa crise d'hystérie. La peur décuplant les forces, Pierre-Raymond se ressaisit rapidement et arrive à s'enfuir dans l'hospice de Poussan. La troupe, ne se laissant pas démonter par ce petit contretemps sort les balistes afin d'arroser copieusement le lieu avec de la bonne grosse pierre de nos garrigues. Le gardien de la porte de Poussan et le vicaire de l'évêque font appel à la force publique et à la garde royale. Ces derniers encerclent la troupe mais comme Pierre et ses copains sont pas encore calmés, ils mettent une rouste à la garde royale. La bave aux lèvres et les yeux encore injectés de sang mais sentant le vent tourner, Pierre et ses potes décident de quitter les lieux et retournent aux chevaux. Pierre Lonassionni, serviteur royal et épiscopal (intervenant après le feu) a beau beugler que ce qu'ils ont fait c'est pas bien et interdit, ils s'en vont "comme des princes". Pierre reste classieux en toutes circonstances !

On ne sait pas quelle sentence a été appliquée suite à cette affaire mais Pierre a enfreint beaucoup de règles dont celle liée à l'utilisation, en temps de paix, d'équipements et d'armes de guerre ; ceux-ci sont listés sur l'acte de l'enquète :

-Pour l'équipement : épaulières, genouillères, cervelières, plastron de plates, targes et grands boucliers.

-Pour les armes : Balistes, arbalètes, lances, piques, glaives, poignards et frondes à pierres plombées.

Baliste

Pour en savoir un peu plus sur les balistes

Lien vers wikipedia

Une dernière arme a été utilisée par la troupe est appelée : mousquet. Attention ce dernier n'est pas le mousquet du XVIe siècle. D'après les infos que nous avons récolté çà et là, le mousquet du XIVe siècle était soit un petit canon portatif, soit une hallebarde équipée d'un canon, soit une mouchette (moschetta, flèche utilisée avec la baliste (plus probable)). Si quelqu'un a d'autres informations là dessus, nous sommes preneurs.


Et les seigneurs d'ailleurs vis-à-vis de Cournon?


A l'image des seigneurs, les Cournonterralais aiment bien en découdre de temps en temps, surtout avec les gens de Pignan. Ces derniers ont parfois été utilisés comme mercenaires par les co-seigneurs de Cournonterral afin de réaffirmer leur autorité sur le "petit peuple". Quand aux assauts "militaires", les gens de Cournon sont plutôt tranquilles et n'ont jamais subit aucun siège ou attaque durant le moyen âge. La seule fois où cela a failli chauffer pour eux c'est à la fin du XIVe siècle suite aux raids des routiers dans la région.

Grandes compagnies

Pour en savoir un peu plus sur les routiers

Lien vers wikipedia

En l'an 1362, les compagnies de routiers sont chassées de Nîmes. On compte parmis leurs principaux chefs : Jean Aimeri, l'anglais Gacie ou Gassiot du Chastel, le Bort ou le Batard de Bretal, Bauducard d'Albret, Espiote Bertuchin, Pierre de Montaut, l'allemand Jean Havezorgues (ou Hazenorgues), Petit Meschin et Arnaud de Taillebort. Sans le sou, quatre de ces compagnies (commandées par (dixit le Thalamus Parvus) Johann Hazenorgues et les Gascons Pèire de Montaut et Espiòta (Ajouté à ceux là un 4ème commandant routier : Alaman)) cantonnent à Mireval, Vic, Lavérune et Pignan. Durant l'été 1362 ils incendient le château de Pignan et le lendemain tous ses faubourgs. Le même jour, une grande partie des faubourgs de Mireval et de Vic sont également incendiés. Après ces exactions, les routiers quittent les lieux et continueront à piller et incendier à travers la région jusqu'à ce que Bertrand du Guesclin y mette un peu d'ordre. On est passé pas loin de la catastrophe ! Vic appartenant aux seigneurs de Cournon, on ne sait pas comment ils ont géré cette crise mais cela à amené, quelques années plus tard, à la construction des fortifications définitives de Cournonterral, cela est une autre histoire ...

 


La suite au prochain épisode !


Un air qui a profondément marqué son époque :

L'homme armé

interprété par Karl Jenkins

23 février 2020

L'HISTOIRE MEDIEVALE, partie 2 : Les gens de Cournon

La tour/donjon de la Passadella a été conçue, entre autre, pour servir de logis au seigneur de Cornon. Mais bon un gars pareil ne va pas se contenter de quelques mètres carrés en pierre froide ... et d'ailleurs, c'était qui ce gars et a-t-il vraiment vécu là ?

Déjà, à Cournon, il n'y a pas qu'un seigneur mais plusieurs. On appelle cela une co-seigneurie (composée de co-seigneurs directs et indirects, on verra cela un peu plus tard). Voyons au début et essayons une généalogie seigneuriale, ou du moins un recensement des personnes concernées du Xe au XIIe siècle :


LA SEIGNEURIE AUX Xe et XIe SIECLES


Comme vu dans l'article précédent, la seigneurie locale commence à Grémian mais pas que. L'histoire de la famille ayant occupé en premier Grémian (du moins recensé dans les archives) commence au Xe siècle, le samedi 17 janvier 949 (ha oui, c'est précis !) avec ELDEBERGUE (Eldeberga). Cette "bonne dame" n'est pas encore seigneuresse de Grémian ; Eldebergue habite une villa appelée Avizas qui abrite la paroisse de Saint-Julien et qui se trouve aujourd'hui sur la commune de Saint-Félix-de-Lodez (c'est pas à coté, je sais, mais on a dit qu'on commençait au début). Donc, en 949, Eldebergue fait un don à l'abbaye de Gellone et est accompagnée de ses 3 fils : Guigo (ou Guigon, Wigo, Wigon), Rainardus et Auctramnus. Wigon est, dans les archives, le premier à être cité comme seigneur de Grémian. Son fils, Bernard, comme celui qui aura fait évolué la villa en castellum. Avant d'aller plus loin au risque de se perdre dans une description textuelle, voici l'arbre généalogique de cette famille :

barronariasEn rouge : les prénoms féminins ; les dates sous les noms sont les dates des actes sur lesquels apparaissent les personnes (pour aider à les situer dans le temps) et non celles de naissance ou de décès.

A vrai dire, concernant Cournon, ce n'est pas vraiment cette famille qui nous intéresse en premier lieu. Mais bon, cette famille est tout de même affiliée aux Cornon et dans cet arbre généalogique on aperçoit un Othon signalé d'un astérisque rouge et c'est là qu'il y aura question plus loin. Voyons voir d'abord l'arbre, ou plutôt les arbres, des Cornon aux Xe et XIe siècle :

cornonEn rouge : les prénoms féminins ; les dates sous les noms sont les dates des actes sur lesquels apparaissent les personnes (pour aider à les situer dans le temps) et non celles de naissance ou de décès. Zone rouge : branche de Grémian ; Zone Bleue : branche de Cornon. - En zone blanche : diverses succéssions et seigneurs de Cournon. Ne figure pas les seigneurs spirituels du lieu qui sont les évêques de Maguelone. - En zone rouge : Branche de Othon* de grémian appelé également Othon de Cornon (jamais de Cournonsec), fils de Bernard de Barronarias et d'Amélia de Cornon. Othon de Grémian est père d'un autre Othon marié à Adalais (Azalaïs). - En zone Bleue : Branche de Othon de Cornon ("le croisé") parti en croisade en 1096 (on peut retrouver l'acte du départ à la croisade ainsi que les batailles livrées dans "series praesulum magalonensium et monspeliensium" de Pietro Gariel (1665)). Othon de Cornon est père de Pierre (1), Guillaume et Bérenger. Pierre (1) est père d'un autre Othon (bigre, encore un ! ... y'en aura un autre en fait mais ça on le verra peu-être plus tard). C'est à partir de Othon le croisé que l'on peut tracer une lignée ininterrompue jusqu'au dernier des Cornon (terral) au XVe siècle.

Là, du coup, ça à l'air un peu plus bordélique ... c'est le cas et encore il y a pas tout le monde là ! Durant le XIe siècle (et jusqu'au milieu du XIIe siècle), la co-seigneurie de Cournon est indivise entre les membres d'une même famille : les Cornon. La seigneurie se partage entre 2, 3, 4, 5, 6 voire bien plus de personnes et toutes les branches familiales (aînée, cadette et benjamine) sont concernées. Les archives, bien qu'ayant été relativement bien conservées (et notamment rapportées partiellement par les cartulaires), sont loin d'être complètes. Dans l'état actuel des choses, il est impossible de tracer une lignée continue comme sur l'arbre généalogique des Barronarias. Les choses se simplifieront au XIIe siècle.

L'une des difficultés est que beaucoup de personnes portent un même prénom dont les "fameux" OTHON.

Il est pas toujours aisé de savoir au quel on a à faire. Les patronymes n'étant pas encore utilisés, les personnes sont différenciées par l'année où l'acte a été émis, (et/ou) de sa provenance, (et/ou) des lieux concernés, (et/ou) des prénoms du père, (et/ou) de la mère, (et/ou) de la fratrie, (et/ou) des enfants. Certains prénoms étant assez répandus, c'est un peu comme si aujourd'hui on se rendait sur la place de la Comédie à Montpellier, que l'on crie fort "KEVIN !" et que 250 pélucres se retournent !

Pour info : comme déjà entendu, il n'éxiste absolument aucun "Othon le grand" ou "Othon de Cournonsec". Cela n'est que pure invention et pour ceux qui ne sont pas d'accord : que l'on partage nos archives (qu'on rigole un bon coup) !


Evolution des territoires du Xe siècle à aujourd'hui


evol cartes medievales 1La zone hachurée de bleu désigne le territoire occupé par les Cornonevol cartes medievales 2Premières mentions de Cournonsec et Montbazinevol cartes medievales 3Délimitations actuelles des communes

Les cartes sont basées sur les étendues communales actuelles et ne représentent pas l'occupation réelle au moyen-âge (ne reprenant pas les partages de Grémian, les divisions et échanges opérés durant le moyen-âge comme, par exemple, avec Montarnaud, Gigean, Fabrègues ou Agnac)


Ce qui différencie Cournonterral de Cournonsec est que les seigneurs de Cournonsec sont vassaux des Trencavel puis des Montpellier ainsi que de l'évêque de Gellone tandis que les seigneurs de Cournon(terral) ne sont vassaux que d'eux mêmes et de l'évêque de Maguelone (mais qui dit de Maguelone, dit de Melgueil ...). Plus tard l'on donnera quelques anecdotes sur les seigneurs mais ce n'est pas le propos de cet article. Revenons donc à ce qui nous intéresse :


Qui a fait construire la Passadella ?


On y arrive ! Donc, au début du XIIe siècle, Pierre de Cornon et Aiceline ont, au moins, 3 enfants : Othon, Aiceline et "X" épouse de Raymond de Roquefixe. Aiceline se mariera (puis décèdera très peu de temps après) avec Bertrand de Montlaur (ce qui fera rentrer cette famille dans la co-seigneurie de Cournon) et Othon se mariera avec Huguette. Ce sont par les testament et donations de ces deux derniers que l'on connaît un peu mieux ce qu'il y avait sur le lieu de Cournonterral. Othon n'est pas le seul seigneur de Cournonterral mais par son testament de 1181, l'on sait que sa "maison" se trouvait en face de l'église (quand Othon parle de maison, c'est en fait une petite broutille de quelques étages avec tours, meurtrières, bretèches, assommoirs, gardes violents et armés, etc ...). N'ayant aucune descendance, Othon fait de son neveu Pierre de Roquefixe son héritier seigneurial (à défaut, les soeurs de Pierre de Roquefixe : Guinarde pour Cournonterral et Ermessende pour Montbazin). Othon possède tout le castrum de Montbazin et la villa d'Antonègres qu'il laisse à sa veuve Huguette. Elle passera quelques années dans la villa d'antonègres avant d'entrer dans les ordres à Saint-Félix-de-Montceau (Gigean). Pour l'occasion, elle fera d'autres donations à l'abbaye.

IMG_5111Porte du XIIe siècle en bas du château de Montbazin

Pierre de Roquefixe, ayant les reins solides et ne laissant rien à ses soeurs, devient successeur seigneurial exclusif de Othon, se fait dorénavant appeler Pierre de Cornon et se marie avec Vassadella (issue des Vassadel-Siger de Béziers). Cette dernière habite le castrum de Montbazin d'où elle gère les affaires courantes concernant Cournonterral et Montbazin.

Les autres co-seigneurs contemporains de Pierre de Cornon/Roquefixe sont :

- Bertrand de Montlaur : les Montlaur avec la famille des Cornon ont fait construire, au milieu du XIIe siècle, le château de Vic (pour garder une proximité immédiate avec Maguelone, les salins, les étangs, etc) et siègent principalement à Fabrègues.

- Pierre-Bernard de Montagnac : les Montagnac siègent principalement à Fabrègues puis à Agnac.

- Guillaume de Cornon (descendant de Guillaume de Cornon et Dolza, voir graphique plus haut), marié à Ermessinde de Podio (du Puy) est plutôt occupé aux affaires de sa femme.

Bin voila, tout cela ne répond pas à la question et d'ailleurs, il n'y a pas de réponse mais c'est durant ces règnes que la tour a été construite ainsi que les autres fortifications : château, enceinte, tours, portes, rampes, etc ... par qui exactement ? Que ce soit Othon, Pierre ou Guillaume, tous avaient largement les moyens de financer la construction des fortifications, ce que certains n'ont pas manquer de faire à Vic qui faisait partie de la co-seigneurie. On ne sait pas lequel, ou lesquels sont à l'origine de cette initiative. Le manque d'archive ne permet pas d'en savoir plus mais, déjà, on s'est approché des contemporains des constructions.


Ok, maintenant que tout cela est construit, tous ces seigneurs ont-il vraiment habité ces édifices ?


Oui et Non ! D'après ce que l'on connaît des archives : malgré l'ampleur de ces constructions (et des futures constructions), les seigneurs ont peu résidé dans le château, seule l'utilisation régulière de la grande salle de réception est avérée (on verra le détail du château dans un prochain article). Les seigneurs habitent surtout des villas, hôtels (intra muros) ou dans d'autres seigneuries (Vic, Conas, Fabrègues, Montbazin ...) et quand ils habitent le castellum puis le castrum, Ils sont souvent déployés sur les champs de bataille. Ils sont toutefois régulièrement présents au sein du village ou sinon représentés par les autres membres de leur famille, les autres co-seigneurs et par le bayle.

Cette "distance" entre seigneurs et peuple a permis une certaine "indépendance" à ce dernier. On y reviendra !


vieux chateauUn p'tit coucou donné de ce qui reste (restait) du château


LES GENS DE COURNON


Les seigneurs c'est bien, ça porte une armure étincelante avec un joli blason (c'est pas "réellement vrai" mais ça donne une image !) mais à vrai dire ils n'étaient pas seuls sur le territoire (il fallait bien du monde pour faire tourner la boutique). La société féodale (qui est, rappelons-le une organisation politique) est composée de 3 "ordres" principaux :

Oratores (ceux qui prient) : Ce sont les gens d'église (l'Evèque de Maguelone comme co-seigneur spirituel et les prieurs (le curé d'aujourd'hui) tous issus de la noblesse).

Bellatores (ceux qui combattent) : Les nobles (les co-seigneurs temporels).

Laboratores (ceux qui travaillent) : Tous les autres ...

Résumer la société médiévale à ces 3 ordres, ce serait trop simplifier les choses et cette société est au final plus complexe que ce que l'on nous a toujours appris (d'où le "3 ordres principaux" plus haut).


Pourquoi nous parle-t'on toujours des nobles, de l'église et pas du reste ?


Déjà les archives citent majoritairement ceux qui possèdent le pouvoir et le pognon (noblesse et église). Ajouté à cela une bonne dose de mauvaise foi afin de décrire un certain passé comme cela arrange bien aujourd'hui. Pour la noblesse et l'église, on y reviendra plus tard. On va parler des autres.

A Cournonterral on a une chance : c'est celle d'avoir pu conserver nos archives (du moins, d'en conserver un maximum, tant bien que mal !). En effet en 1344, lors de l'officialisation du consulat, le roi Philippe VI délivre une charte aux habitants de Cournonterral comportant 3 consuls annuels, un conseil de 6 prud'hommes, une maison commune, un sceau et une arche d'archives (c'est cette dernière qui nous intéresse). Une arche d'archives est un coffre dans lequel sont entreposés les documents (parchemins, sceau, attributs des consuls dont les chaperons de couleur rouge, etc ...) relatifs au village.

L'arche sera à son tour entreposée dans la Maison Commune. La Maison Commune était un domaine privé qui servait également de siège aux consuls. On connaît au moins 2 emplacements de Maison Commune à Cournonterral : au XIVe siècle était la maison de la famille TRIBUS-LUPIS située entre l'église et le cimetière (le cimetière du moyen âge, pas l'actuel ; aujourd'hui entre l'église et la Grand-rue) ; au XVIIIe siècle était la maison de GAZAGNE dont un vestige du portail est encore visible devant la ludothèque. A la révolution, Gazagne sera le dernier consul et le premier maire de Cournonterral. La Maison Commune devient Hôtel de Ville.

Les premiers parchemins entreposés dans l'arche sont les chartes royales et les parchemins anciens qui étaient conservés par les représentants du peuple (dont les syndics). Déjà ça ne traîne plus n'importe où, ils sont bien archivés et si besoin est, facilement usités. Le coffre original du XIVe siècle ne résistera pas aux épreuves du temps ; les parchemins (et autres) seront conservés à l'Hotel de Ville ... conservés est un bien grand mot, certains serviront de nourriture au rongeurs, vers, d'autres seront attaqués par la moisissure, d'autres disparaîtrons dans la nature ... Aujourd'hui, les parchemins restants, datant d'avant la révolution, sont entreposés aux archives départementales de l'Hérault : Pierres Vives.

Malgré les outrages, un grand nombre d'archives a été sauvegardé du temps et de la révolution. Au XIXe siècle, l'historien Alexandre Germain étudiera l'ensemble de ces archives et en écrira : le Consulat à Cournonterral, fragment de l'histoire du XIVe siècle (1845).


Donc, là, on a matière à parler du reste !


Le premier "laboratore" dont on entend parler à Cournonterral et Durando Airaldo de Cornone dès l'an 1138 (janvier). Sur cet acte apparait surtout un autre nom familier à Cournonterral : Pierre Bernard de Trois Loups ("Tribus Lupis" transcrit par les gens d'église et "Très Lops" comme il était réellement appelé). Attention "Airaldo" et "Bernard" sont bien des patronymes, "de Cornone" et "de Tribus Lupis" signifient uniquement le lieu d'où ils proviennent ; aucun des deux n'est issu de la noblesse. Durando Airaldo vient donc de Cournonterral et Pierre Bernard de la paroisse de Sainte-Cécile-des-Trois-Loups située à Canteloup (paroisse marquant la limite des territoires Cournonterralais et Pignanais). Une autre famille apparaît fin du XIe siècle : les Rieulfe. Ceux-ci sont issus de la petite noblesse et habitaient au nord de Grémian. Ils ont représenté, quelques temps, les seigneurs de Cournon.

Au XIIe siècle, la féodalité ne représente pas, dans le lieu, une chape de plomb sur les épaules des paysans. Les seigneurs sont souvent sur les champs de bataille (c'est dans leur fondement, voir plus haut) et les habitants sont relativement indépendants. Instruits et lettrés, les Airaldo et Bernard sont probablement alleutiers (paysans libres) ... on est loin du paysan analphabète, qui a une espérance de vie inférieure à 30 ans et qui laisse un droit de cuissage au seigneur absolu du lieu !

Durant 1 siècle, on n'a plus de trace de ces gens et c'est en 1238 que Guillaume Bernard de Trois-Loups (descendant du premier cité), Pierre Teissier, Pierre le Roy, Bernard Almérien, Hugues Cristine et Guillaume Fabre font parler d'eux : Ils représentent la communauté des habitants de Cournonterral (l'historien A. Germain les cite comme "l'élite de la bourgeoisie" Cournonterralaise) et s'organisent pour faire plier les seigneurs. En l'occurence Vassadelle qui renonce aux impôts du vingtième, quinzième et treizième. La communauté est bien organisée et ses représentants savent où piquer et ont les dents longues.

Les familles de Trois-Loups et Cristine continueront à batailler pour obtenir d'autres avantages et seront à l'origine du Consulat à Cournonterral (1344). Durant les XIIIe et XIVe siècles, des membres de ces familles seront consuls à Montpellier. Les Trois Loups sont viticulteurs, dans la négoce et le commerce des épices, les Cristine dans le travail et le commerce du cuir. Ces 2 familles disparaîtront du paysage au début du XVe siècle.


Pour en venir au Consulat


Le consulat c'est un peu s'émanciper des seigneurs mais en contrepartie d'être un peu plus dépendant du Roi. L'histoire du consulat de Cournonterral, qui représente un "gros pavé" dans l'histoire de Cournonterral commence bien avant le consulat de Cournonterral ! (Aïe, mal de tète !)

Reprenons : les seigneurs ne sont pas si présents que cela sur les lieux et les gens du peuples ne sont entrés que depuis une période récente dans le système féodal. Il est clair que le souvenir d'une proche "liberté" est encore dans les souvenirs et le peu de présence seigneurial laisse une forme d'indépendance aux gens du lieu. Quand l'on parle de gens du peuple, ceux-ci ne représentent pas qu'une communauté de paysans cultivateurs ou éleveurs. Comme vu plus haut, certains sont attachés au négoce et au commerce, instruits, lettrés, etc ... et ont surtout des intérêts à défendre.

Le rattachement au système féodal induit différentes choses dont impôts et banalités.

Banalité (droit seigneurial)

Pour en savoir un peu plus sur les banalités

Lien vers wikipedia

Les soucis dus à une bonne partie d'impôts ayant été réglés dès l'an 1238, ce sont sur les banalités, les usages et coutumes que les co-seigneurs du lieu continuent à maintenir leur autorité sur les habitants. Durant tout les XIIIe et XIVe siècle, la pression sera maintenue et montera, même, en puissance. De même, très rapidement après le coup d'éclat de 1238, la "caste bourgeoise" de Cournon s'organise en syndic. Parmi ces syndics l'on trouve également des personnes issues de la petite noblesse (propriétaires et/ou habitants de Cournon sans aucun droit seigneurial et de justice). Si le calme "imposé" par les représentants du peuple est pérenne durant plus d'un demi-siècle et le besoin d'un consulat ne se fait pas sentir dans l'immédiat (le système consulaire est déjà présent dans d'autres lieux, dont Montpellier dès le début du XIIIe siècle et d'autres seigneuries appartenant aux seigneurs de Cournon tel que Conas près de Pézenas) en l'an 1299 les hostilités s'intensifient :

Cournonterral ne se trouve pas vraiment sur le territoire de France. Mêmes si de temps à autres, ils n'hésitent pas à recourir à de fortes amendes et aux châtiments corporels, les seigneurs (temporels et spirituels) n'en sont pas pour autant totalitaires sur les légiférassions et la justice ; il y a toujours quelqu'un à qui rendre des comptes. De même, durant les XIIe et XIVe siècle, les seigneurs spirituels (évêques de Maguelone) ne jouissent plus que d'un role de coutume mais hormis l'albergue qui leur est due par les seigneurs, n'ont que peu, ou pas, de main mise sur la population. Donc en 1299, Pierre de Cornon, fait détruire les fours dits "communaux" afin d'imposer l'usage exclusif du four banal (et par là, récupérer des taxes substantielles en doublant les sommes demandées*). Ce fut à cette occasion que les syndics** firent appel pour la première fois de l'histoire à l'autorité royale.

*En 1299, Cournonterral compte plus de 1200 habitants et porte le statut de "ville". Si une bonne partie des ces habitants logent à proximité du castrum, d'autres sont sur les paroisses de Saint-Julien-de-Scafiac (ou Escaffiac) et de Sainte-Cécile-des-Trois-Loups, ajouté à cela les manses disséminées sur tout le territoire. Le castrum est délimité à l'ouest par la rue des Huguenots, à l'est celle du théron et au nord par le parc seigneurial en contrebas.

**Les 2 syndics représentants la communauté se nomment Hugues Cristine et Guillaume Bernard de Trois-Loups. Leurs 12 procureurs (par leur nom de famille) : Leroy, Guirlard (notaire), Davin, Ricard, Gozas, Montarnaud, Peyrot, de Cortilis, Firmin, Julien, Vidal et Maistre.

Le four banal se trouvait extra-muros (pour lutter contre les incendies) à l'emplacement de l'actuel Plan du Four (ça ne s'invente pas !) et dans les mêmes conditions le pressoir banal se trouvait à l'actuelle rue du Plan de l'Oum. Il ne reste plus aucune trace du four banal, il a probablement été démoli durant le XIXe siècle. Les champs appartenant aux seigneurs sont régulièrement fermés à la paissance (1303) et les autres banalités sur lesquelles l'abus de pouvoir seigneurial s'exerce sont celles du banvin (15 janvier 1302) , de garenne (1339) pour lequel les seigneurs de Cournon n'ont pas hésité à utiliser des gens de Pignan comme "mercenaires", etc ... Après de nombreuses luttes (juridiques, politiques et même armées), le consulat à Cournonterral sera définitivement adopté en 1344 ("définitivement" jusqu'à la révolution et ses réformes).

On ne va pas refaire l'histoire du consulat de Cournonterral (quoique, ça le mériterait ! Peut-être une prochaine fois ...), Alexandre Germain l'a déjà très bien analysé en 1845 et un peu de lecture ne fera de mal à personne ! Revenons au gens de Cournonterral :


Quelques noms de famille Cournonterralaises aux XIIIe et XIVe siècles


Les parchemins des 12 avril 1339 et 13 octobre 1342 où figuraient 127 noms et de janvier 1343 où figuraient 261 noms (soit 2 bons tiers de la totalité des feus de Cournonterral) étant disparus des archives, suit la liste qui présente un peu plus de 107 noms de famille des habitants de Cournonterral :

Adhémar, Aléxi, Almérien, d'Amat, d'Aniane, Arnaud, Audibert, Barthélémi, Bedos, Bélagarde, Bénédicte, Benoit, Bérenger, Bernard, Bonet, Bonis, Briciat (Brissiac), Bringuier, Brixe, Brun, Cabrarier, de Canet, de Coffinhac, Corcone, Cornone (branche cadette), de Cortilis, Coste, Cristine, Davin, Déodat, Dolve, Doumergue, Espaze, Etienne, Fabre, Fabrice, Ferrand, Fernand, de Figuières, Firmin, Frédol, Gache, Gachon, Galvanchi, Gambert, Gasque, Gaubert, Gaze, Gozas, Guiraud, Guirlard, Johanna, Julien, Laurent, de Lauret, Lénaras, Leroy, Louverture, Macon, Maistre, Majan, Marc, Maset, Mathe, Matone, Mauran, Mélène, Mercadier, Michel, Montarnaud, du Mur, Noguier, Olivier, Palmier, Parator, Peyronet, Peyrot, Pierre, de Pignan, Pin, Pomade, Portal, de Prégio, Privat, Raimond, Rainaud (Rainard), Relan, Ricard, Riol, Sabatier, de Saint-Etienne, Saint-Julien, Saladin, Salas, Saysague, Sérane, Sérinhac, Sertres, de Soriech (originaires de Lattes), Teissier (textorem), de Trois-Loups, de Ulm, Valette, Verdier, Vernode, Vidal (Vitalis), Voute.


Pour finir : on a parcouru quelques classes de la société médiévale Cournonterralaise, il en manque et l'on y reviendra plus tard. Même si les rôles sont bien définis par la législation, on a aperçu que rien dans la réalité n'est aussi strict que ce que l'on pouvait imaginer !

La suite au prochain épisode !


 Les "calendes de mai" par Angelo Branduardi

Composé, au XIIe siècle, par le troubadour Raimbaut de Vaqueyras qui fut, un temps, seigneur d'un château voisin de Cournonterral : Aumelas

12 janvier 2020

L'HISTOIRE MEDIEVALE, partie 1 : Au début ...

LA PASSADELLA, la tour qui n'est pas Sarrasine de Cournonterral


La tour de la Passadella a toujours été présentée comme la première chose à avoir été construite à Cournonterral, la première pierre posée sur le village. S'il est vrai qu'elle est le plus ancien vestige encore visible aujourd'hui, qu'en est-il réellement ?


remparts5A gauche sur l'image


PASSADELLA ? Kézako, jamais entendu parlé de ça !


Oui, c'est vrai qu'aujourd'hui ce nom n'est plus trop familier à Cournonterral. Il s'agit simplement de la tour appelée SARRASINE et située au Passage (tiens, tiens ...) de la tour Sarrasine (ha bin oui, quand même ! Mais ...).

Jusqu'au XIXe siècle, au moins, cette tour à été appelée Passadella, c'est à dire la "tour de la Passe" et effectivement elle est située juste au dessus de la passe du Coulazou. Passe appelée communément Passe des Romains. Il y a encore quelques décennies, de grosses pierres jalonnaient le Coulazou à cet endroit permettant le passage à gué de la rivière (aujourd'hui, c'est bétonné !). Avant les aménagements routiers d'après la Révolution Française au début du XXe siècle, seuls 2 endroits (à proximité immédiate de Cournonterral) permettaient de passer d'une rive à l'autre du Coulazou : la passe citée plus haut et celle du chemin de Saussan (une seule visible aujourd'hui située aux "Passes" après la station d'épuration, 3 passes au début du XIXe siècle). Comme vu précédemment dans l'article "Toponymie et Etymologie" le nom de Passadella relève d'une simple fonction pratique (de passar : passer, roman : Passador, espagnol : Pasadera (passerelle, étape)).


Alors pourquoi on l'appelle SARRASINE cette tour ?


Ça, c'est une bonne question ... et, en fait, on n'en sait rien ! L'appellation de sarrasine vaut pour ce qui a été construit par les sarrasins ou à l'époque des sarrasins ou encore de style sarrasin. Mais là ce n'est absolument pas le cas, ni la période ne correspond, ni le style et il n'y a jamais eu de période d'occupation du coin par les sarrasins ; ils s'arrétaient à Maguelone et de là organisaient des raids à travers la région (voir Charles Martel plus bas). De la part des sarrasins, il n'éxiste aucune construction en "dur" connue dans le coin immédiat. Cette appellation de Sarrasine est récente (peut-être un siècle, un siècle et demi, mais pas plus) et le passage portait le nom de "rue du Nord" (vu sa position !) ou encore de "Belle Vue" (d'un coté comme de l'autre !). Sous ces appellations, la rue s'étendait jusqu'au Plan Robert Granier. Alors pourquoi avoir appelé cette tour Sarrasine ? Peut-être pour lui donner une origine plus ancienne qu'elle n'est réellement ... comme c'est le cas pour des dizaines et dizaines d'autres tours sur le territoire français (et même européen).


OK, alors quand a été construite cette tour et à quoi elle sert ?


Il a été longtemps admis, du moins pour les gens de Cournon, que la première phase de construction de cette tour date du XIe siècle (entre l'an 1000 et l'an 1100) mais, mais, mais ... c'est pas possible, ou alors à Cournon il y avait de sacrés précurseurs en matière d'architecture. Revenons un peu en arrière et reprenons depuis le début. Et maintenant : TADDAAAAMM !


L'HISTOIRE AVEC UN GRAND "H", partie 1


IMG_6170Jusqu'au tout début du XIIe siècle, sur la rive droite du Coulazou se trouve Cazaligiis, un hameau ou un petit ensemble de maisons avec rue (ou rues) situé au lieu-dit de Cazalis (Casalis) occupé par des paysans (non asservis). Pour passer à l'autre rive du Coulazou, il y a obligation (géographique, voir article : "Toponymie et Etymologie") d'emprunter le Chemin Salinié sur lequel la passe dite des Romains est aménagée. Deux rampes artificielles s'en suivent et l'on se trouve au pied de notre fameuse tour (voir plus bas).

Je sais, j'ai dit que la tour n'était peut-être pas encore construite, ou du moins sous la forme qu'on lui connaît aujourd'hui.

Se trouvant à l'intersection du Chemin Salinié et d'une voie gauloise (ha oui, c'est pas nouveau quand même) et sachant également que le commerce du sel (chemin Salinié c'est pas que pour les ânes !) est une activité très lucrative et précieuse dont le cheminement présente de nombreux risques, il est logique de trouver un ensemble fortifié à cet endroit*. Certains chercheurs s'accordent pour dire qu'une construction, ou fortification de bois s'élevait à l'emplacement de la tour avant que celle-ci ne soit construite de pierres.

*Cette configuration n'est pas unique et pour ne parler que d'une proximité immédiate : un chemin salinié traverse également Montbazin (jusqu'au XIIIe siècle, Montbazin faisait partie de la seigneurie des Cornon) et au nord de celui-ci se trouvait un autre lieu-dit également appelé Cazaligiis (emplacement exact inconnu). Cazaligiis n'étant pas un nom de lieu comme l'on pourrait le dire pour un village mais un nom de lieu-dit (comme il y a plusieurs Touâts, Cannabes, Hermes, Trucs, etc ...). Pour en finir avec Montbazin, la première construction connue occupant le relief est une "turris" (une tour). Il en est de même pour Pignan : Hautemurs près du Chemin Salinié au nord du village, une construction défensive dite "bisturris" (2 tours) etc ... en cherchant bien, une autre ligne de tours (sur un axe est/ouest) se trouve parallèle un peu plus au nord.

Amuses-toi à trouver toutes les tours ... il te reste 2 heures, je chronomètre !


Pourquoi une tour, toute seule comme cela, au milieu de nulle part ?


Bin pas vraiment au milieu de nulle part et pas toute seule non plus :

1) - L'occupation du territoire est encore basée sur le "modèle romain" c'est à dire : la villa. Une villa c'est pas le truc dans le sud où l'on va se faire dorer la pilule au soleil l'été, c'est l'endroit où habite celui qui gère une exploitation, un territoire. En plus de l'habitation, la villa comprend les constructions accolées pour les animaux, les denrées, les ouvriers, etc ... c'est déjà un ensemble complexe. De plus la villa gère également les manses (voir article : Balade à FERTILHERES) situées sur son territoire. Le territoire d'une villa comprend les terres cultivées ou non, bois, hermes, garrigues, etc ...

Aux Xe et XIe siècles, la villa principale du coin est celle de GREMIAN. Ce n'est pas la seule mais elle est la plus importante et son territoire s'étend de l'ouest de Montbazin à l'est de Cournonterral et du nord au sud : du plateau d'Aumelas à la Gardiole (voire plus loin).

2) - Début XIe siècle, la villa de Grémian devient castellum de Grémian. C'est à dire que la villa se fortifie pour se protéger. De quoi ? On n'en sait rien en fait : au VIIIe siècle Charles Martel a rasé Maguelone (737), Agde et Béziers, ce qui a eu pour effet de calmer les sarrasins. De plus sa progéniture, d'abord par Pépin le Bref puis par Charlemagne, commencera a placer ses "billes"* dans la région ; les vikings ... ? Aucune certitude ; les simples bandits ? Pareil !

Castrum

Pour en savoir un peu plus sur les castellum et castrum

Lien vers wikipedia

*Sous l'ère des carolingiens, la région est encore sous domination Wisigothe (la SEPTIMANIE) et les "billes" de Pépin et de Charlemagne sont : AIGULF 1er (vers l'an 750), d'origine Wisigothe, qui sera nommé, le premier, comte de Melgueil (aussi appelé comte de Substantion ou de Maguelone). Aigulf a, au moins, deux fils et une fille : AMIC 1er (Amicus, fin VIIIe siècle) qui lui succédera à la tête du comtat, WITIZA, compagnon d'arme de Pépin le Bref puis de Charlemagne qui se fera moine puis fondera l'abbaye d'Aniane (782) avant de prendre le nom de Benoit (d'Aniane). A noter qu'un autre compagnon d'arme des carolingiens et de Witiza, rentrera à son tour dans les ordres et fondera une autre abbaye (804) prés d'Aniane dans la vallée de Gellone : Guilhem (aujourd'hui, Gellone est plus connu sous le nom de Saint-Guilhem-le-Désert). Quand à la soeur, OSMONDE, bin elle rentre pas dans l'histoire.

Maguelone/Aniane ... 'tin, en y regardant mieux on est en plein milieu du chemin qui relie les abbayes !

T'inquiètes pas, c'est prévu comme ça ! En effet, ce qui fait la richesse du coin c'est l'accés à la côte, les étangs, la pèche et les salins (voir un prochain article), entre autres. Exploitation des denrées et richesses aidant, durant les Xe et XIe siècles il y a une explosion démographique et les châteaux (ou castella) poussent comme des champignons un peu de partout ! Grémian perd un peu de sa superbe ainsi que le Podio Danihélis qui lui est accolé (Podium (hauteur) Daniel (Saint), peut-être le futur Cournonsec !) et la famille Barronarias, seigneurs de Grémian, cèdent de plus en plus de pouvoirs à une autre famille émergeante appelée : Cornon (dont certains sont des descendants des Barronarias, on ne devient pas seigneur par hasard non plus mais ça, on y reviendra plus tard).


CORNON, ça me dit quelque chose ...


Dés le Xe siècle, en l'an 980 le castellum de Cornon est cité ... Enfin, d'après Joseph Dovetto dans son ouvrage : Cartulaire des Trencavel (1997). Mais cette date mérite d'être réajustée, ou du moins d'être mise entre guillemets. Je m'explique : dans l'acte 422 du cartulaire il est dit : "Pierre, fils de Bernard et Bernard, fils d'Ugo et de Garsende rendent hommage à Athon pour le castellum de Cornon".

1 - Athon III est marquis d'Albi (future famille de Trencavel) ... Jusque là, la période correspond.

2 - Bernard (fils d'Ugo et Garsende) est coseigneur temporel de Cornon. Dommage que l'on n'en sache pas plus sur leurs prédécesseurs mais c'est le lot commun à la région (voir les Guilhem de Montpellier). Ugo pourrait être finalement le plus ancien des Cornon ... ou Garsende ?

3 - Pierre (de Melgueil, fils de Bernard) est coseigneur spirituel de Cornon. Ce dernier est évêque de Maguelone (ou Substantion) mais sa nomination à l'évêcher est incertaine : 978, 988 ou 999 ... Il subsiste un doute sur la date exacte du serment et n'ayant pas eu l'acte original sous les yeux ...

L'avis d'Hélène Debax sur le Cartulaire des Trencavel de Joseph Dovetto

Lien vers persee

Ce que nous apprend cet acte, c'est surtout que Cornon possède depuis le Xe siècle un castellum, un ensemble fortifié !


1) - Comme vu plus haut, à proximité se trouve Cazaligiis*. On ne sais pas combien de personnes y vivent mais la communauté n'est pas riche que de quelques âmes mais plutôt de quelques dizaines, voir plus, pour ce seul lieu. Durant le XIIe siècle, les gens de Cazaligiis s'installent sur la rive droite du Coulazou à l'abris des fortifications (et du même coup perdent leur statut de libres et indépendants en devenant sujets des coseigneurs de Cornon).

2) - Othon de Cornon, seigneur du lieu, nous signale dans son testament, en l'an 1181, posséder une maison en face de l'église. Cela rajoute déjà 2 bâtisses et ce sans compter les bâtiments d'usages et autres habitations des gens au service des seigneurs et prieurs. Huguette sa veuve donnera à l'abbaye de Saint-Félix-de-Montceau une partie du domaine de Cournonterral en l'an 1188.

3) - En 1238, Vassadella, seigneuresse du lieu, cite dans un parchemin le vieux château ... l'histoire n'est donc pas neuve.

4) - Et tout cela sans parler des caves antiques attenantes à la tour ...

Donc si l'on ne connaît pas la teneur exacte du castellum primitif, l'on peut désormais affirmé qu'il était constitué au minimum d'une tour (habitation seigneuriale) et de murs ou palissades. Tout cela en bois ou en pierres ?

Quel seigneur est à l'origine de l'agrandissement du castellum et de la construction d'un ensemble de pierres lourdes ? Comment cet ensemble a évolué avant la construction de la Passadella ? Ces questions resteront sans réponse tant que que l'on aura pas de documents en parlant ou que des fouilles soient entreprises sous les fondations de l'actuel Cournon (mais là, il pleuvra des cochons avant que cela n'arrive !).

Un petit film (!) sur le Chemin Salinié et Cazaligiis :

*CAZALIGIIS, encore un nom ostrogoth qu'on ne sait d'où il sort ! Explications : Il y a très longtemps, dans une galaxie lointaine ... Dans les années 70, petits on aimait bien aller se balader en garrigue. Une fois, sur le chemin menant aux Touâts au dessus du Coulazou, à Cazalis, on était tombé sur M. Pioch qui nous avait expliqué qu'à cet endroit se trouvait un ancien village et que les 2 rangées de cyprès marquaient l'emplacement de la rue principale (ces 2 rangées ne sont plus visibles depuis le grand incendie de 1984). Bon, tout cela est bien gentil mais Cournonterral, même si ce n'est pas Brocéliande, est une terre de légende et un village en plein milieu de la garrigue comme ça, un peu nulle part : HA HA HA ! SAUF QUE 30 ans plus tard en entamant des recherches sur les archives, il s'avère que ce lieu est nommé à plusieurs reprises (Cazaligiis, Cararigiis, Cazarilz, etc ...) et que quelques compoix aident à le situer assez précisément. 30 ans pour confirmer que ce n'était pas une légende et qu'il y avait bien un "proto-village de Cournon" à cet endroit ! Sur quelques photos satellites des traces d'occupation étaient encore visibles avant que la végétation ne reprenne le dessus (ainsi qu'une autre occupation, probablement contemporaine à Cazaligiis, à proximité à la Grave entre Cazalis et Cournon, toujours sur la rive gauche du Coulazou). Si parfois les légendes même les plus convaincantes sont souvent infondées, les histoires qui semblent parfois farfelues et étonnantes, elles, peuvent se montrer réelles.


Le décors est donc planté, revenons sur le plus ancien vestige encore visible :

La PASSADELLA


Il est plus probable que sa construction débute, pour la première partie (oui, il y en aura une seconde) au XIIe siècle. Comme vu plus haut, c'est à cette même période que les habitants de Cazaligiis migrent sur la rive droite du Coulazou à l'abri de la tour (et des éventuelles autres fortifications).

Une première partie est ouvragée en pierre froide (pierres parfaitement taillées et ajustées avec le strict minimum de jointure). Dans la région, il n'y a pas d'autre façon d'ouvrage comparable, ça a dû coûter 'une blinde" pour l'époque ! Mais bon les seigneurs de Cournon, rien qu'avec l'exploitation du sel, "roulent sur l'or". Pour se rendre compte de la finesse du travail des ouvriers qui ont construit cette tour il suffit de se mettre dos à la tour et de faire la comparaison avec le mur de l'église en face qui lui n'a pas 200 ans ... à voir ! La base de la tour, jusqu'au niveau de jonction de la seconde partie, ne présentait aucune ouverture (c'est une tour de défense, pas les Champs-Elysées non plus), aucune ouverture dans sa conception originale car aujourd'hui cette partie ressemble un peu plus à un gruyère. La seconde partie de la tour sera construite, d'après quelques avis, au XIIIe siècle sauf que c'est pas si sûr ...

Donc voila, une première partie construite : la partie basse et la seconde prête à l'être ... minute, pour l'instant il n'y a qu'un gros truc carré en pierre sans issue en plein milieu comme ça et rien au dessus ... en fait la tour est conçue tel un donjon, c'est à dire conçue pour que le seigneur y habite, "domaine privé du maître". La partie basse en pierre froide est utilisée de simple réserve.

Donjon

Pour en savoir un peu plus sur les donjons

Lien vers wikipedia

Donc pour l'instant, tant que la partie haute n'est pas construite, le seigneur est SDF !? Pas vraiment, comme vu plus haut il possède une maison (en fait plusieurs à différents lieux : Cournonterral, Montbazin, Antonègres, Vic, Saint-Julien d'Escaffiac (dit aussi de Cazaligiis) etc ...) et pour être plus juste, il faut plutôt parler de villas et de châteaux et comme encore vu plus haut, il y a déjà des éléments défensifs et des habitations sur Cournonterral (dont le vieux château !).

La construction de la tour est donc stoppée (on ne sait pourquoi : peut-être trop cher, manque de matière première, problème de poids des pierres utilisées, de façon de faire ...) puis est reprise quelques années ou décennies plus tard (peut-être au début du XIIIe siècle). Cette fois ce n'est plus de la pierre froide qui est utilisée mais du calcaire coquillier et de plus une autre manière de procéder est employée : l'Opus Monspelliensis.

Opus monspelliensis

Pour en savoir un peu plus sur l'Opus Monspelliensis

Lien vers wikipedia

De là, le donjon prend sa forme définitive : accès vers le logis seigneurial au premier étage, corps de garde au deuxième, etc ... on fera le détail un peu plus bas ... Là, ça en impose ! Le pèlerin qui arrive du nord sait, à la simple vue de cette tour, que ça rigole plus à cet endroit!

IMG_7193De quoi calmer les ardeurs !


Pour commencer, une tour seule ça suffit pas !


La tour ne se limite pas à une simple bâtisse de pierre, elle est également équipée d'éléments défensifs, mais pas que cela :

1) - Pour y accéder il n'y a qu'une possibilité : emprunter la double rampe (artificielle) en "L" du Coulazou au Théron puis du Théron à la tour. La rampe est très pentue ce qui ralenti la progression (je rappelle que ceux qui empruntent ce passage sont surtout des personnes transitant avec leurs denrées et avec leurs attelages bien chargés), de plus elle amène droit au pied de la tour. La rampe étant cernée d'un mur de pierre (coté nord), le reste du relief représentant un mur naturel (voir article : "Toponymie et Etymologie"), toutes les personnes qui empruntent le Chemin Salinié sont obligées de passer par cette rampe (c'est toujours compliqué de faire de l'escalade avec une charrette !).

rampeVue schématique de la double rampe au XIVe siècle

En jaune : cadastre actuel

2) - Les éléments défensifs de la tour se présentent sous la forme de trois bretèches situées sur les cotés est/nord/ouest. Une meurtrière sera aménagée par la suite sous la bretèche est. Quand au haut de la tour il était simplement couvert d'un toit de bois. Les "créneaux" que l'ont aperçoit aujourd'hui ne sont que des parpaings rajoutés il n'y a que quelques décennies pour faire "manière de ..." mais il n'y a jamais eu ni créneau ni merlon au haut de la tour (voir photo en début d'article ou juste en dessous).

tourVues de la Passadella et de ses bretèches.

A : vue de dessus ; B : vue depuis le nord/est ; C : vue depuis le nord ; D : vue depuis le sud ; 1 : tour dans les années 1960.

3) - Comme dit plus haut, une tour seule ne suffit pas. Au XIIIe siècle, d'autres constructions voient le jour dès la fin de la conception de la Passadella : la tour de la Vabre (pour tour de la vallée) de base rectangulaire et un bâtiment central reliant les deux tours qu'on appelle simplement le château (également appelé château vieux ou antique ce qui fait dire que cet emplacement était déjà occupé par une bâtisse plus ancienne que celle qui c'est effondrée vers 1920). De ce château, la seule trace restante est l'empreinte de la grande salle du rez-de-chaussée (il y a d'autres traces, mais ça on y reviendra plus tard). Il y a d'autres constructions à vocation défensive : un corridor (boulevard) longeant le mur est et les 2 tours, fermé en début et en fin par des portes (portes dites du Théron et de la Réjole). 2 autres tours de base rectangulaire, similaires à la Vabre, sont encore visibles ainsi qu'un mur de fortification encore observable à quelques endroits (mais il faut bien y regarder). Et cela n'est qu'une partie des fortifications ...

boulevardBoulevard et porte primitive de la Réjole

En jaune : cadastre actuel


Pour résumer cette première partie :


La tour de la Passadella n'est pas la première construction sur le lieu et était précédée d'autres constructions à vocation défensive. D'ailleurs, l'occupation du lieu n'a jamais dû été interrompue depuis le néolithique si ce n'est plus. Quand au débat Cournonterral/Cournonsec, on peut dire (de Montbazin à Cournonterral) que l'ouest était la "partie des Patriciens" et l'est la "partie des plébéiens". Mais les choses ne sont pas si simples que cela et on le verra au prochain article ...


Est-ce-que tout cela a suffit à ce que Cournonterral soit bien protégé et ne soit jamais attaqué ou assiégé ?

La suite au prochain épisode !


Pour rester dans l'esprit médiéval (un peu dépoussiéré !)

Toss a Coin to Your Witcher (metal cover by Leo Moracchioli)

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Oc e No - Opus Cornoneterralis Et NOvellae
  • "Opus Cornoneterralis Et NOvellae" - Œuvres Cournonterralaises et Nouvelles. "Oc e No", oui et non en langue d'Oc était également le surnom donné à Richard Cœur de Lion par le troubadour Bertran de Born.
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